Depuis plusieurs années, le système EPIS (Excluded Persons Information System) joue un rôle central dans la régulation des jeux de hasard en Belgique. Initialement conçu pour les casinos, les salles de jeu et les agences de paris, il devient aujourd’hui incontournable dans les librairies aussi.
Pourquoi étendre EPIS aux librairies ?
L’idée a germé à l’aune d’un constat inquiétant : bien que les joueurs exclus du système EPIS ne puissent plus parier dans les casinos ou sur les plateformes en ligne, beaucoup continuaient à parier via des librairies ou d’autres circuits moins rigoureusement contrôlés. La nouvelle loi vise à moderniser le registre des personnes interdites de jeu afin qu’il couvre tous les lieux où des paris peuvent être engagés — y compris les librairies, les hippodromes et les agences de paris mobiles.
Dès l’entrée en vigueur de la réforme, un joueur souhaitant parier dans une librairie devra introduire une pièce d’identité dans le terminal de pari. Le système vérifiera alors deux critères essentiels : l’âge du joueur (il doit être majeur) et le fait que ce joueur ne figure pas sur la liste EPIS.
De plus, le système EPIS sera mis en conformité avec le RGPD (Règlement général sur la protection des données).
Si le principe a été adopté en 2024, l’application réelle prendra du temps. En effet, la loi modifiant le régime de l’EPIS prévoit que l’obligation s’applique le 1er mai 2026.
Entre-temps, les librairies concernées et les titulaires de licence disposent d’une période de préparation pour adapter leurs installations, se conformer aux exigences techniques et administratives, et se familiariser avec le nouveau dispositif.
Tous les détails du nouveau processus
Concrètement, aucun client ne pourra consulter les options de pari, composer un pari, placer une mise ou modifier un pari en cours sans passer d’abord par une vérification automatique réalisée directement sur l’appareil de pari. Ce contrôle inclut l’identification du joueur, la confirmation de sa majorité et la vérification qu’il ne figure pas dans EPIS, la base de données des personnes exclues.
Tout se déroule via un module d’identification intégré dans la machine, où le joueur doit insérer un document officiel doté d’une puce électronique : carte d’identité belge, titre de séjour, carte étrangère avec puce ou carte diplomatique spéciale. Le passeport n’est pas admis, et les cartes de joueur, membres ou fidélité non plus.
Le libraire n’a aucune possibilité d’effectuer un contrôle manuel : ni saisir des données personnelles, ni contourner le module, ni remplacer le système par une vérification humaine. Si un joueur n’a pas l’un des documents autorisés, il ne peut tout simplement pas parier. Ces mêmes règles s’appliquent également aux joueurs étrangers.
Les contrôles sont obligatoires avant toute action sur l’appareil, y compris la simple consultation des possibilités de pari. Seule exception : le paiement d’un ticket gagnant existant, qui ne nécessite aucune identification. Une fois identifié, le joueur reste autorisé tant que son document électronique reste connecté à l’appareil ; le retrait du document met fin à la session.
Une utilisation exceptionnelle de la carte d’exploitant reste possible, mais uniquement si le système EPIS est indisponible pour des raisons directement imputables à la Commission des jeux de hasard, comme une panne ou une maintenance. Cette dérogation ne concerne pas les situations où le lecteur de carte ne fonctionne pas, où la carte du joueur est illisible ou absente, ou lorsque EPIS refuse l’accès. Dans ces cas, le client ne peut pas jouer. Le libraire doit par ailleurs conserver une preuve lorsque l’usage de la carte d’exploitant a été nécessaire.
Pour être autorisés, les modules d’identification doivent être certifiés par un organisme accrédité, sous la surveillance du Service Évaluations techniques. Les organismes concernés figurent sur le site du SPF Économie. Le module doit utiliser l’operator ID attribué à chaque établissement par la Commission et transmettre également le numéro de série de l’appareil, lequel doit être visible à l’extérieur. Les informations techniques relatives aux environnements de test et de production sont disponibles dans le manuel EPIS, et les accès spécifiques destinés aux librairies seront fournis à partir du 15 mars 2026.
Ni le libraire ni ses employés n’ont besoin d’une licence de classe D, celle-ci étant réservée au personnel des casinos, salles de jeux et agences de paris.
Ce que cela change pour les joueurs — et les libraires
Pour les joueurs, l’impact est direct : si vous êtes inscrit sur la liste EPIS, vous ne pourrez plus parier dans aucune librairie agréée. Ce contrôle s’ajoute à ceux déjà en vigueur dans les casinos, les salles de jeux et les plateformes en ligne.
Pour les libraires, c’est un changement profond. L’activité de paris, même si elle reste encadrée comme activité complémentaire devra respecter plusieurs conditions strictes — configuration technique, conservation des logs, vérification systématique de l’identité, etc. Des librairies qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas s’adapter auront sans doute intérêt à renoncer à cette activité. Ce durcissement réglementaire pourrait dessiner un paysage plus restreint et plus contrôlé.
Mais pour beaucoup, c’est avant tout un signe d’une volonté politique de mieux encadrer les jeux d’argent et de limiter les risques d’addiction ou de contournement des interdictions.
Un pas de plus vers la prévention — mais une transformation profonde
Avec l’entrée en vigueur d’EPIS dans les librairies, la Belgique franchira une nouvelle étape dans la régulation des jeux de hasard. Ce changement marque la volonté des autorités de combler les brèches, renforcer la protection des joueurs et rationaliser l’offre de paris. Pour les librairies, c’est l’occasion de redéfinir leur rôle et de choisir entre s’adapter à une législation plus stricte ou renoncer au pari comme activité complémentaire.
Qu’on se place du côté des joueurs, des professionnels ou de l’intérêt général — l’extension d’EPIS aux librairies constitue un tournant.