À la frontière de Brûly-de-Couvin, un projet réveille les passions : l’arrivée possible d’un nouveau casino, porté par le groupe Golden Palace. Alors que l’enquête publique se poursuit jusqu’au 23 décembre, élus, habitants et professionnels du secteur s’interrogent. Derrière la simple apparence d’un bâtiment moderne se cache un débat bien plus profond sur l’attractivité, la fiscalité, et les risques liés au jeu.
Un projet ambitieux à la frontière : Golden Palace veut s’implanter
À l’emplacement de l’ancien café Chez Pierre, sur l’ancienne N5, le groupe Immo-Laeken prévoit de raser le bâtiment existant pour y ériger une construction contemporaine à toit plat. À première vue, rien qu’un édifice moderne, conforme aux règles urbanistiques et sans demande de dérogation particulière.
Mais l’enjeu n’est pas architectural. Il est social, économique et moral. Car le casino envisagé, qui serait exploité par Golden Palace, viendrait s’ajouter à l’offre déjà présente juste en face, où le Circus fonctionne depuis des années et poursuit un chantier d’extension.
Le projet prévoit l’installation de 45 jeux, soit le maximum autorisé par la licence :
- 33 machines “slot individuelles” ;
- 12 machines “slot multi”, principalement des roulettes pour plusieurs joueurs.
Selon les estimations, l’établissement accueillerait entre 60 et 100 visiteurs par jour, répartis sur l’ensemble des 24 heures.
Un public principalement français
Pourquoi un tel intérêt pour un casino en frontière ? La réponse tient au comportement du public français et aux règles du jeu en vigueur dans les deux pays.
Massimo Menegalli, promoteur du projet, résume ce phénomène :
“Les Français aiment les établissements de jeux belges. Ils en ont chez eux. Il y a 200 casinos en France et une très grande salle de jeux est en projet à Sedan. Mais chez eux, il n’y a pas les mêmes règles en matière de perte horaire pour le client. Chez nous, elle est d’environ 25 euros. Mais si l’on compare nos deux pays, les statistiques montrent qu’en France, avec 50-100 euros, une personne restera une heure dans l’établissement. Chez nous, elle pourra y passer un après-midi car la perte est moindre. Chez nous, 97,5% sont redistribués, pour 93% en France, en moyenne. Les Français préfèrent donc venir en Belgique.”
Un écart suffisamment important pour attirer un public frontalier qui cherche à prolonger son temps de jeu. L’établissement viserait donc essentiellement une clientèle française, ce qui explique son implantation stratégique côté belge.
Les élus divisés
La perspective d’un deuxième casino ne réjouit pas tout le monde. Lors d’un précédent conseil communal, l’opposition avait exprimé son inquiétude.
Laurence Plasman (ICI) n’y voyait aucun bénéfice pour la population locale :
“Cet établissement ne répond pas aux besoins des Couvinois.”
De son côté, Sarah Noël (Écolo-GIC) mettait en garde contre les effets potentiels du jeu sur les habitants :
“D’après les prévisions, 5 % des Couvinois iront là. Cela fait déjà quelques victimes.”
Le bourgmestre, Raymond Douniaux, avait reconnu ces inquiétudes, tout en soulignant un aspect crucial : les taxes récoltées profiteraient à la commune, alors que 95 % de la clientèle serait française. Un raisonnement pragmatique, qui pose une question plus large : une commune doit-elle accepter des risques sociaux si ceux-ci concernent surtout une population extérieure ?
Emplois, trafic, nuisances : que changera réellement le casino ?
Le projet prévoit la création de dix emplois, un chiffre modeste qui n’entraînera pas une transformation majeure du tissu économique local.
Les projections avancées de flux de véhicules font état de :
- 60 voitures de visiteurs par jour, jusqu’à 100 en cas de forte affluence,
- 5 véhicules du personnel,
- deux livraisons par semaine.
On est loin du trafic d’antan, lorsque les routiers s’arrêtaient en masse avant la construction de l’autoroute. Toutefois, les habitants devront composer avec des mouvements de véhicules à toute heure.
Le promoteur assure que le niveau sonore intérieur restera équivalent à “une conversation de salon”. Des parois isolantes et un sas d’entrée devraient limiter la diffusion du bruit. Reste à savoir si les riverains partageront ce constat une fois l’établissement ouvert.
Un bâtiment conforme, mais un style qui interroge
Urbanistiquement, le dossier respecte les règles. Le terrain n’est pas dans une zone Natura 2000, la construction sera équipée d’une pompe à chaleur et disposera d’une station d’épuration individuelle.
Les seules interrogations portent sur l’esthétique. Golden Palace souhaite habiller la façade de panneaux dorés, blancs et noirs, caractéristiques de sa marque. Une identité visuelle affirmée, qui pourrait détonner dans le paysage frontalier.
Fait intéressant : la société a aussi racheté l’ancienne douane, située en plein milieu de la chaussée. Mais l’avenir du bâtiment reste flou.
La population appelée à s’exprimer
Le dossier complet est accessible chaque matin au service Urbanisme de la Commune de Couvin, et l’enquête publique se poursuivra jusqu’au 23 décembre.
Les semaines à venir diront si le projet Golden Palace sera perçu comme une opportunité ou comme une dérive.