La Gambling Regulatory Authority of Ireland (GRAI) se dote d’un plan stratégique sur trois ans en publiant sa Statement of Strategy 2025-2027. Cette stratégie pose les fondations d’un régime de régulation du jeu en Irlande, dans un contexte de réforme majeure.
Naissance d’un régulateur et contexte législatif
L’histoire commence en amont : l’Irlande avait depuis plusieurs années acté la nécessité d’une réforme du cadre légal du jeu. Le projet de loi sur la régulation des jeux devait créer une autorité indépendante chargée d’encadrer les activités de pari, de jeu et de loterie.
Cette autorité, la GRAI, a été officiellement établie au 5 mars 2025 par décret, posant un point de bascule : jusqu’alors, le système reposait sur des législations plus anciennes et des contrôles éclatés. Le site officiel définit la GRAI comme un régulateur indépendant et autofinancé, relevant du ministère de la Justice, des Affaires intérieures et de la Migration.
Pour le ministre Jim O’Callaghan, ce lancement ne relève pas seulement de la régulation stricte :
“C’est une étape importante pour l’Autorité, le secteur des jeux d’argent en Irlande et le grand public. Cette stratégie ne se limite pas à la réglementation ; elle vise à éduquer le public, à protéger les personnes vulnérables aux méfaits du jeu et à garantir que le secteur fonctionne selon les normes d’intégrité et de responsabilité sociale les plus élevées.”
De son côté, Paul Quinn, président de la GRAI, insiste sur la mission :
“En tant qu’autorité de régulation indépendante nouvellement créée, nous nous sommes vu confier un mandat public essentiel : veiller à ce que les jeux d’argent en Irlande soient organisés de manière sûre, équitable et transparente, dans l’intérêt des individus, des familles et de la communauté au sens large.”
Avec cette nouvelle institution, l’Irlande entre dans une ère de supervision rigoureuse et de responsabilisation accrue des opérateurs.
Une stratégie 2025-2027 articulée autour de six axes
Le cœur de la réforme se lit dans le document stratégique de la GRAI. La Statement of Strategy 2025-2027 identifie six domaines fonctionnels clés autour desquels s’organisent les objectifs et livrables de l’autorité.
1. Licences
L’un des tout premiers défis sera de déployer le régime de licences imposé par la loi de 2024. Cela inclut les licences B2C (aux opérateurs de jeu direct), B2B (aux fournisseurs) et les licences caritatives ou philanthropiques. La GRAI annonce qu’elle mettra en place les processus, vérifications techniques et critères d’éligibilité nécessaires durant le mandat du plan.
2. Suivi et conformité
Accorder une licence ne suffit pas : il faudra surveiller, vérifier, imposer des audits, des contrôles réguliers pour garantir que les opérateurs respectent les normes de sécurité, de transparence et de protection du public. La GRAI prévoit d’intégrer cette fonction progressivement.
3. Application des sanctions
La stratégie prévoit le renforcement des pouvoirs coercitifs : sanctions financières, révocations, suspensions de licence ou même poursuites pénales en cas de non-conformité. L’objectif est de dissuader les manquements graves ou répétés.
4. Protection et sensibilisation du consommateur
L’autorité entend placer le consommateur (en particulier les publics vulnérables) au cœur de son action. Parmi les mesures envisagées : campagnes de sensibilisation, mécanismes d’auto-exclusion, éducation des joueurs.
5. Ressources humaines, gouvernance
Pour fonctionner efficacement, la GRAI doit se structurer. Elle devra recruter, former, mettre en place des procédures internes, une gouvernance claire et un cadre de responsabilité.
6. Priorité au numérique
Face à la prédominance du jeu en ligne, l’autorité veut adopter une approche digitale : protocoles techniques, systèmes de signalement en ligne, intégration de registres numériques et exploitation des données pour détecter les risques.
Mesures réglementaires déjà actées ou en préparation
La GRAI n’attend pas de boucler le plan pour intervenir : certains changements législatifs sont soit déjà adoptés, soit en cours de consultation.
L’un des plus marquants : les licences B2C auront une durée de trois ans. Cette règle a été validée par la Commission européenne dans la nouvelle réglementation sur les licences de jeux en 2025. En parallèle, les frais de demande de licence sont désormais fixés de façon plus précise : le montant sera proportionnel au chiffre d’affaires du demandeur ou, pour les nouveaux entrants, estimé sur les premiers mois d’activité.
La GRAI a aussi lancé une grande consultation publique entre le 7 avril et le 5 mai 2025, visant à recueillir les avis des opérateurs, associations, citoyens quant aux règlements proposés sur les frais, la durée des licences ou les conditions imposées.
Enjeux, défis et opposition
Une réforme d’un tel ordre suscite naturellement des réactions contrastées. Du côté de l’industrie, certains acteurs mettent en garde contre un surcroît de contraintes, notamment pour les opérateurs de plus petite taille. D’autres appellent à une application progressive, soulignant qu’un changement trop brutal pourrait favoriser le jeu non régulé et pousser des opérateurs à opérer offshore.
L’un des points de friction les plus sensibles : la publicité du jeu. Le nouveau cadre prévoit des restrictions sévères, notamment une interdiction annoncée de la publicité entre 5h30 et 21h, y compris sur les médias en ligne et les réseaux sociaux. Le contrôle des incitatifs publicitaires (offres gratuites, bonus) est également au cœur des préoccupations.
L’efficacité de l’autorité dépendra donc de sa capacité à combiner rigueur, souplesse, écoute des parties prenantes, et capacité à évoluer avec le secteur numérique.