Ce 12 juin, un moment rare s’est joué dans les couloirs du service d’addictologie et de psychiatrie de l’hôpital Bichat-Claude Bernard à Paris. Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ), s’est rendue sur place. Une visite qui dépasse le simple protocole.
En s’adressant aux professionnels de santé en première ligne face aux addictions, l’ANJ s’ancre dans une approche résolument humaine et scientifique de la régulation des jeux d’argent. Car si le cadre légal est essentiel, la compréhension des réalités cliniques l’est tout autant.
Définir l’addiction : entre clinique et régulation
L’un des temps forts de cette rencontre a porté sur la définition médicale du jeu pathologique. Comment reconnaître un joueur à risque ? Quels sont les signes cliniques d’une dépendance au jeu ? Ces questions, souvent complexes, ont été au centre des échanges entre l’ANJ et les spécialistes.
Isabelle Falque-Pierrotin a pris soin de rappeler les obligations légales imposées aux opérateurs de jeux. Ceux-ci ont pour devoir de mettre en place des dispositifs de prévention, de repérage et d’accompagnement des joueurs excessifs. Mais encore faut-il que ces outils soient en phase avec la réalité médicale.
C’est tout l’enjeu de cette concertation directe avec le terrain : affiner les dispositifs de régulation à partir de l’expérience concrète des soignants. Pour l’ANJ, la lutte contre le jeu excessif ne peut être efficace sans une collaboration étroite avec les acteurs de la santé.
Un enjeu de santé publique majeur
Avec la multiplication des offres de jeux en ligne et la banalisation de certaines pratiques (paris sportifs, poker, jeux de grattage), l’addiction au jeu est devenue une question de santé publique.
Selon les dernières estimations, plus de 1,4 million de personnes en France présentent un usage problématique du jeu, dont environ 400 000 joueurs pathologiques. Un chiffre en constante progression, notamment chez les jeunes adultes.
Le rôle de l’ANJ est donc crucial. Mais sans le soutien des soignants, la prévention ne peut pleinement fonctionner.
Une nouvelle ère pour la régulation des jeux ?
La présence de la présidente de l’ANJ à l’hôpital Bichat marque peut-être un tournant dans la stratégie de régulation en France. En choisissant d’écouter le monde médical, l’ANJ sort de son périmètre institutionnel pour s’inscrire dans une démarche plus globale.
Cette matinée à Bichat n’était qu’une étape. Mais elle en dit long sur l’évolution des mentalités autour du jeu pathologique. Dans un monde où les sollicitations sont omniprésentes, la capacité à protéger les individus sans stigmatiser les pratiques devient un défi majeur.
L’ANJ l’a compris : pour réguler efficacement, il faut comprendre profondément. Et pour cela, rien ne vaut le regard des médecins, des psychologues, et de tous ceux qui côtoient la détresse des joueurs au quotidien.