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Jeux d’argent à Macao : l’incroyable saga d’un empire

Macao a bâti sa renommée sur une singularité : être la seule région de Chine où les jeux de hasard sont légaux. De la légalisation au XIXᵉ siècle sous administration portugaise jusqu’à l’avènement des immenses resorts qui rivalisent avec Las Vegas, l’histoire du jeu à Macao raconte autant une saga économique qu’un destin politique. 

Macao et la Chine : une relation unique

Macao ne ressemble à aucune autre ville chinoise : depuis le 20 décembre 1999, date de sa rétrocession par le Portugal, la région fonctionne selon un cadre juridique et politique bien particulier, sous le principe du “un pays, deux systèmes”. Cette formule, pensée dans les années 1980 par Deng Xiaoping, a été conçue pour permettre à Macao et à Hong Kong de conserver leurs économies capitalistes et leurs systèmes juridiques distincts pendant au moins 50 ans après la rétrocession.

Aucune autre ville chinoise ne jouit d’une telle autonomie. Selon la Constitution et la Loi fondamentale de Macao, cette dernière est dotée de pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire propres, dont la justice finale, tandis que les affaires étrangères et la défense restent du ressort exclusif de Pékin. Le gouvernement local est constitué de résidents et les lois préexistantes avant la rétrocession sont maintenues.

Grâce à ce statut particulier, Macao joue un rôle stratégique dans les politiques chinoises d’ouverture. La Région administrative spéciale conclut elle-même certains accords internationaux, développe ses relations commerciales et améliore son attractivité touristique — tout en bénéficiant de son propre régime fiscal et douanier, indépendant de celui du continent.

Cette flexibilité économique a dopé la croissance : le produit intérieur brut est passé d’environ 6,5 milliards de dollars en 1999 à près de 46 milliards en 2023, avec une forte dépendance au secteur du jeu, moteur de plus de la moitié de cette richesse. Mais cette croissance n’est pas sans défis : la diversification économique est une priorité depuis plusieurs années, accentuée par les directives de Xi Jinping.

L’ouverture au jeux de hasard

Tout commence au milieu du XIXᵉ siècle. Alors sous administration portugaise, Macao cherche une source de revenus stable pour financer ses infrastructures. En 1847, les autorités légalisent les jeux de hasard et imposent une taxe aux opérateurs. Très vite, les petites salles de jeux prolifèrent dans les ruelles étroites de la péninsule.

La colonie découvre alors un équilibre fragile : d’un côté, l’argent du jeu alimente les caisses publiques ; de l’autre, les critiques dénoncent la dépendance à une activité jugée vice plutôt qu’industrie. Mais pour Macao, isolée de Lisbonne et sans ressources naturelles majeures, le jeu devient un pilier économique incontournable.

L’ère Stanley Ho : la mainmise d’un empire

En 1962, un tournant majeur se produit. Le gouvernement concède à la Sociedade de Turismo e Diversões de Macau (STDM), dirigée par l’homme d’affaires Stanley Ho, un monopole sur l’exploitation des casinos. Sous son règne, Macao change de visage.

Ho introduit le baccarat, le blackjack, la roulette et d’autres jeux occidentaux dans les salles autrefois dominées par les traditions chinoises, comme le fan-tan. Les ferries rapides reliant Hong Kong à Macao permettent à des milliers de joueurs de venir quotidiennement tenter leur chance.

Pendant près de 40 ans, le nom de Ho est indissociable de Macao, et son empire fait de lui l’un des hommes les plus riches d’Asie.

L’arrivée des géants de Las Vegas

Après la rétrocession de Macao à la Chine en 1999, Pékin pousse à la modernisation du territoire. En 2002, l’État met fin au monopole de la STDM et ouvre l’exploitation des casinos à des opérateurs étrangers.

C’est l’explosion : Sands, Wynn, MGM et Galaxy construisent des complexes pharaoniques, inspirés des resorts de Las Vegas mais adaptés au goût asiatique. Le Cotai Strip devient un gigantesque boulevard du jeu et du divertissement.

En quelques années, Macao surpasse Las Vegas en termes de revenus. En 2007, elle s’impose comme la première capitale mondiale du jeu.

Le Cotai Strip

Au cœur de l’expansion du jeu à Macao, le Cotai Strip incarne la métamorphose spectaculaire de la région. Ce vaste projet d’extension urbaine, une terre gagnée sur l’océan entre les îles de Taipa et Coloane, a permis de décupler l’espace dédié aux loisirs et aux casinos, générant une véritable révolution économique et architecturale. Le terme Cotai lui-même résulte d’une fusion des noms de ces deux îles, tandis que l’expression “Cotai Strip” est née de l’imagination marketing de la Las Vegas Sands Corporation, déposée comme marque par cette dernière.

Le projet a vu le jour grâce à des travaux de remblai massif réalisés dans la baie de Seac Pai, étendant le territoire de près de 5,2 kilomètres carrés. Dès 2006, le Grand Waldo, propriété du groupe Galaxy Entertainment, a été le premier établissement à ouvrir ses portes, suivi en 2007 par l’ouverture emblématique du Venetian Macao, le plus vaste complexe hôtelier et casino de la zone à ce jour.

Plus qu’un simple alignement de casinos, le Cotai Strip a adopté une représentation très différente du modèle de Las Vegas. Plutôt qu’un boulevard linéaire où les hôtels donnent directement sur la voie principale, l’urbanisme ici est conçu comme un quadrillage, laissant aux complexes leur propre architecture et enseignes indépendamment… un territoire du jeu fragmenté, dans sa forme comme dans sa grandeur.

La succession d’établissements de prestige (City of Dreams, Galaxy Macau, The Londoner Macao, The Parisian, Wynn Palace, MGM Cotai, Lisboeta ou encore le Grand Lisboa Palace) a fait du Cotai Strip un véritable boulevard du luxe et du divertissement, intégrant restaurants gastronomiques, shopping haut de gamme, spectacles et infrastructures événementielles.

Fortune et excès

Dans les années 2000 et 2010, les junkets — intermédiaires spécialisés dans l’organisation de voyages de luxe pour des clients fortunés — prospèrent. Ils avancent des crédits, organisent des suites privées et prélèvent des commissions sur les pertes des joueurs.

Le baccarat VIP devient le cœur battant des casinos. Des fortunes colossales se gagnent et se perdent en une nuit. À cette époque, près de 70 % des revenus de Macao proviennent des joueurs VIP venus de Chine continentale.

Mais cette dépendance attire l’attention de Pékin, qui craint le blanchiment d’argent et la fuite de capitaux.

La répression et la mutation du marché

À partir de 2014, la Chine continentale lance une campagne anticorruption. Les junkets, longtemps tolérés, sont visés. Le coup de grâce viendra plus tard avec les arrestations de figures emblématiques comme Alvin Chau et Levo Chan, condamnés pour organisation de jeux illégaux et blanchiment.

Cette répression provoque une chute du segment VIP, mais ouvre la voie à un nouveau modèle : le marché de masse. Le baccarat grand public, les machines à sous et les formules de divertissement familial deviennent les nouveaux moteurs de croissance.

Les défis de demain

La pandémie de Covid-19 bouleverse tout. Avec la fermeture des frontières, Macao se retrouve désertée. Les revenus des casinos s’effondrent de plus de moitié en 2020. Pour une économie dont 80 % des recettes fiscales proviennent du jeu, le choc est dramatique.

Depuis la levée des restrictions sanitaires, Macao connaît un rebond spectaculaire. En 2024, les revenus du jeu atteignent 226,8 milliards de patacas, soit près de 28 milliards de dollars américains. En 2025, mois après mois, les records post-pandémiques tombent, confirmant la résilience de la ville.

Mais cette prospérité pose une question essentielle : comment réduire la dépendance au jeu ? Pékin pousse Macao à se diversifier vers la culture, le sport, les conventions et même la technologie. Des projets voient le jour, comme le développement d’Hengqin, une île voisine, censée accueillir parcs à thème et centres d’affaires.

La capitale du jeu saura-t-elle se transformer en capitale du loisir global ? Ou restera-t-elle prisonnière de son identité historique ?

Alex: Alex explore le monde des casinos à travers des articles informatifs et divertissants. Nourri par une passion profonde pour l'art et la télévision, chaque texte témoigne d'une attention particulière aux détails et d'une quête d’équilibre entre rigueur et créativité. Que ce soit pour démystifier des stratégies de jeu ou raconter l’histoire fascinante des casinos, son objectif est d'informer tout en captivant ses lecteurs.
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