L’univers du jeu en ligne est sous haute surveillance, et Ladbrokes vient d’en faire les frais. En voulant promouvoir son programme de récompenses baptisé « Ladbucks », l’opérateur britannique a franchi une ligne rouge aux yeux du régulateur publicitaire du Royaume-Uni. L’Advertising Standards Authority (ASA) a jugé que cette campagne, pourtant réservée aux adultes, empruntait trop clairement les codes visuels et linguistiques des jeux vidéo destinés aux mineurs, comme Fortnite ou Roblox. Résultat : interdiction immédiate de diffusion.
Contexte et affaire
En décembre 2024, Ladbrokes, filiale d’Entain, lance une campagne pour promouvoir son système de récompenses baptisé “Ladbucks” : des jetons virtuels offerts via des jeux, échangeables contre des tours gratuits ou des paris gratuits. Deux consommateurs alertent l’ASA : selon eux, le terme Ladbucks, l’esthétique des jetons et leur usage rappellent fortement les monnaies virtuelles très prisées des mineurs, comme les V‑bucks ou Robux.
Défense de Ladbrokes
Face à ces accusations, Ladbrokes s’est défendu en affirmant que les Ladbucks ne sont pas achetables avec de l’argent réel, qu’ils ne possèdent aucune valeur financière directe et que leur utilisation est strictement réservée aux adultes.
L’opérateur expliquait également que le choix du terme « bucks » était simplement une référence générique à la notion de « dollar » dans la langue anglaise, et ne cherchait aucunement à s’inspirer des codes de la culture gamer.
Par ailleurs, la campagne publicitaire avait été validée par Clearcast, l’organisme britannique de contrôle des annonces télévisées, et diffusée sur la chaîne Channel 4 avec un ciblage spécifiquement orienté vers un public adulte.
Analyse et sanction de l’ASA
Malgré ces arguments, l’ASA n’a pas été convaincue. L’organisme a estimé que le nom Ladbucks, par sa structure et sa sonorité, était trop proche des monnaies virtuelles célèbres auprès des jeunes joueurs. L’image des jetons, ronds et brillants, portant un logo « Lb », renforçait cette impression. La mécanique même du programme, collecter et dépenser ces jetons dans une « arcade » en ligne, reproduisait un modèle familier aux mineurs fréquentant les plateformes de jeux vidéo.
L’ASA s’est appuyée sur des données récentes pour renforcer sa position : selon les chiffres d’OFCOM en 2024, 60 % des enfants de 3 à 17 ans jouent en ligne, et 89 % des adolescents entre 11 et 18 ans pratiquent au moins une fois par semaine. Roblox, par exemple, compte près de 32 millions d’utilisateurs quotidiens. Ces chiffres témoignent de l’omniprésence des monnaies virtuelles dans la vie des jeunes, et expliquent pourquoi l’ASA considère que la campagne « Ladbucks » est susceptible d’attirer ce public vulnérable.
L’organisme de régulation a ainsi conclu que la publicité contrevenait aux règles du British Code of Advertising Practice (CAP Code) et du Broadcast Committee of Advertising Practice (BCAP Code), qui interdisent formellement toute publicité pour les jeux d’argent susceptible de séduire les moins de 18 ans. L’ASA a exigé le retrait immédiat des publicités Ladbrokes portant sur Ladbucks, tout en mettant en garde l’opérateur contre toute future campagne qui refléterait de trop près les codes de la culture jeunesse.
Dans une déclaration, l’ASA a affirmé :
« Le nom Ladbucks, associé à l’imagerie et à l’application de la pièce dans les publicités, était représenté d’une manière similaire aux caractéristiques des jeux vidéo populaires auprès des enfants. Nous avons donc considéré que le terme utilisé dans les publicités était susceptible d’exercer un fort attrait sur les moins de 18 ans et qu’il enfreignait le Code. »
De son côté, l’avocat spécialisé Felix Faulkner, représentant de la société Poppleston Allen, a insisté sur la nécessité de respecter ces règles en déclarant :
« Il est de la plus haute importance que tous les détenteurs de licence vérifient un certain nombre de points avant d’organiser une promotion : la terminologie et la dénomination des produits et des offres de récompenses, l’utilisation historique et courante de tout terme qu’ils envisagent d’employer, et toute publicité ultérieure basée sur ce terme. Le jeu responsable est un principe fondamental de la loi sur les jeux de hasard, et il incombe exclusivement aux opérateurs et aux titulaires de licences de veiller à ce que leur marketing et leurs publicités soient toujours conformes à la LCCP et aux règlements de l’ASA. Mieux vaut prévenir que guérir. »
Ladbrokes a exprimé sa déception face à cette décision, annonçant son intention de faire appel auprès d’une instance indépendante, estimant que l’ASA a mal interprété les éléments présentés.