La NCAA, gardienne historique de l’intégrité des compétitions étudiantes, envisage désormais d’assouplir ses règles pour permettre aux étudiants-athlètes de parier sur les sports professionnels.
Un tournant dans la régulation du pari sportif étudiant
L’univers du sport universitaire américain pourrait connaître une révolution dans les prochains mois. Le 8 octobre 2025, le comité administratif de la Division I de la NCAA (National Collegiate Athletic Association) a adopté une proposition audacieuse : autoriser les étudiants-athlètes et le personnel des départements sportifs à parier sur des compétitions professionnelles tout en maintenant l’interdiction de parier sur les compétitions universitaires.
Cette décision n’est pas encore finale. Elle doit obtenir le soutien des Divisions II et III pour entrer en vigueur, potentiellement dès le 1ᵉʳ novembre 2025. Mais elle marque déjà un changement de paradigme : la NCAA reconnaît que le contexte des paris sportifs, longtemps clandestin au sein des campus, ne peut plus être ignoré.
Une règle historique bientôt revisitée
Jusqu’à présent, la NCAA appliquait une règle stricte : ni les étudiants-athlètes, ni les entraîneurs, ni le personnel ne pouvaient parier sur aucun sport sponsorisé par la NCAA — qu’il soit universitaire ou professionnel. L’objectif était de préserver l’intégrité des compétitions sportives universitaires et d’éviter la corruption. Mais l’essor des paris sportifs légaux dans les États américains rendait cette interdiction difficile à surveiller et à appliquer.
Face à la réalité — certains étudiants parient quand même, souvent en secret — la NCAA propose désormais de remplacer l’interdiction absolue par une stratégie de réduction des risques. Les partisans estiment qu’il est préférable de permettre un encadrement, de promouvoir l’éducation et d’ouvrir des dispositifs de soutien, plutôt que d’ignorer un phénomène qui se développe en marge.
Dans ce cadre, le comité n’érige pas ce changement comme une approbation des paris sportifs pour les étudiants, mais comme une mesure pragmatique. Le comité a aussi insisté sur le fait que les règles existantes concernant le parrainage par des opérateurs de jeux, ainsi que le partage d’informations internes sur les compétitions universitaires, restent inchangées
La Division I Student-Athlete Advisory Committee (SAAC), organe de représentation des étudiants-athlètes, a exprimé son soutien, mais conditionné à un renforcement des formations et du soutien aux jeunes sportifs.
Intégrité des compétitions et conflits d’intérêts
Le principal argument contre cette réforme, c’est le danger d’influence ou de conflit d’intérêts. Si un étudiant-athlète ou un membre du staff parisait sur une compétition professionnelle dans laquelle il pourrait avoir une influence indirecte (par l’accès à l’information, aux médias, etc.), cela fragiliserait la confiance dans le système sportif.
Les limites proposées sont donc strictes : l’interdiction de parier sur les matchs universitaires demeure, de même que l’interdiction de partager des informations internes sur les compétitions collégiales.
Le piège de l’addiction et les dérives potentielles
Permettre le pari ne garantit pas qu’il sera pratiqué de façon responsable. Le risque d’addiction, la pression financière, le stress — autant de facteurs qui peuvent affecter des étudiants en formation, souvent vulnérables. Le pari sportif peut devenir un refuge dangereux, surtout en période de dettes d’études, de stress ou d’incertitude.
L’un des nœuds de la réforme est d’offrir aux sportifs des ressources d’aide, de sensibilisation et un espace pour signaler des comportements à risque sans crainte de sanction automatique.
Contrôler l’application des règles
Même avec l’autorisation, garantir le respect des règles sera un défi. La NCAA utilise déjà des outils de surveillance d’intégrité pour détecter les anomalies dans plus de 22 000 compétitions universitaires par an. Des cas récents montrent que des étudiants pariaient malgré les règles, qu’ils manipulaient des matchs ou partageaient des informations. Les enquêtes récentes ont conduit à des sanctions sévères, notamment la révocation définitive de l’éligibilité pour certains.
Une mutation inédite mais controversée
L’initiative marque une rupture notable dans la gouvernance du sport universitaire. Elle traduit la tension entre le modèle traditionnel d’amateurisme et la réalité d’un paysage de paris légaux omniprésents. Le défi est de taille : comment autoriser sans fragiliser ? Comment encadrer sans museler ?
Les opposants redoutent un affaiblissement du « mur de protection » entre le monde universitaire sportif et les intérêts commerciaux du pari. Les partisans, eux, considèrent cette mesure comme une étape nécessaire pour responsabiliser, éduquer et assainir ce milieu qui s’est longtemps cultivé hors de tout contrôle.
Si elle se concrétise, cette réforme pourrait inspirer d’autres pays confrontés à la coexistence du sport amateur et du pari légal — et poser les jalons d’une nouvelle ère où l’intégrité, la transparence et le soutien aux athlètes priment sur l’idéalisme pur. Mais l’histoire reste à écrire — et les prochains mois seront décisifs.