À partir d’octobre 2024, la Kansspelautoriteit (Ksa), le régulateur néerlandais des jeux, a mis en place un nouveau dispositif de protection des joueurs : des limites de dépôt mensuelles. Désormais, toute personne déposant un montant net supérieur à 700 € doit suspendre tout nouveau versement jusqu’à la fin du mois en cours. Les jeunes adultes, âgés de 18 à 25 ans, sont soumis à un plafond plus restrictif de 300 €.
Quel était l’objectif ? Limiter les pertes financières excessives, sensibiliser aux bonnes pratiques et éviter les dérives du jeu compulsif. Mais à quel prix ?
Résultats attendus : pertes en forte baisse
Les premiers bilans sont encourageants : la perte moyenne mensuelle d’un joueur réglementé est passée de 116 € à 80 €, soit une chute de 31 % sur la période d’analyse (huit mois avant et huit mois après la mise en place). Les joueurs dits “à haut risque”, qui perdaient plus de 1 000 € par mois, représentent désormais 1 % des parieurs contre 4 % auparavant.
Parallèlement, le résultat brut du jeu (GGR) a reculé de 8 % chez les opérateurs légaux, signe que les comportements excessifs ont été contenus. Toutefois, les comptes actifs sont restés stables, autour de 2,4 comptes par joueur.
Bilan financier en demi-teinte pour les opérateurs
Avec ces nouvelles contraintes, la Ksa a observé une contraction du GGR sur le second semestre 2024 (-10 % comparé au premier semestre), malgré un bond de 6 % sur l’année entière, à 1,47 milliard €. Les opérateurs légaux enregistrent notamment une baisse de leur chiffre d’affaires en ligne, jusqu’à –26,6 % pour Holland Casino.
Pire encore, la hausse de la pression fiscale (de 30,5 % en 2024 à 34,2 % dès janvier 2025, puis à 37,8 % en 2026) amplifie les défis auxquels sont confrontés ces acteurs. Les casinos s’inquiètent : les marges s’effilochent, les efforts pour le jeu responsable s’en ressentent, et la rentabilité est menacée .
L’ombre grandissante du marché illégal
Si les mesures semblent efficaces pour contenir les pertes, elles suscitent une crainte majeure : le repli vers le marché noir. Depuis octobre, les recherches sur les sites illégaux ont explosé.
- Selon la Ksa, le taux de canalisation (dépôts sur sites légaux) reste élevé à 93 %, contre 95 % après l’annonce des règles.
- À l’inverse, H2 Gambling Capital estime que jusqu’à la moitié du marché iGaming (2,10 milliards €) se joue offshore.
Un rapport de KVA révèle qu’entre octobre et mars, les visites vers les 100 sites illégaux les plus recherchés sont passées de 172 576 à plus d’un million. Le nombre de domaines illégaux identifiés en tête des résultats est également passé de 19 à 72.
Ces statistiques poussent des analystes et associations professionnelles à tirer la sonnette d’alarme : trop de régulation dans le circuit légal pourrait faire perdre les joueurs excessifs, ceux qu’on souhaiterait le plus protéger, au profit de plateformes hors contrôle.
Le rôle décisif de la fiscalité et de l’équilibre réglementaire
Au-dessus du plafonnement des dépôts plane l’épée de Damoclès des taxes toujours plus lourdes. L’effet d’éviction des joueurs vers le marché noir pourrait s’exacerber avec la fiscalité adverse.
Le paradoxe : mieux protéger ou exposer ?
Ce premier bilan révèle un paradoxe troublant : les mesures protègent les joueurs vulnérables dans l’univers contrôlé, mais laissent la porte ouverte à un marché hors la loi. Ainsi, la proportion de pertes entre légalité et illégalité se rapproche dangereusement d’1 :1 .
La Ksa annoncera bientôt une étude détaillée sur l’effet des nouvelles taxes et confinement des dépôts . Le pays doit maintenant trouver l’équilibre : comment sécuriser les joueurs sans stigmatiser les opérateurs légaux ni stimuler les filières obscures ?