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Une lootbox en forme de coffre à trésor dans une caverne

Pays-Bas : les loot boxes échappent à la loi

Les Pays-Bas viennent de livrer un constat accablant : malgré des lignes directrices claires sur la protection des consommateurs face aux pratiques de monétisation des jeux vidéo, la majorité des éditeurs continuent de défier la réglementation. Une nouvelle étude universitaire révèle que 90 % des jeux populaires sur iPhone ne respectent pas les obligations légales en matière de loot boxes. Et le plus inquiétant ? Ce sont souvent les plus grandes entreprises qui enfreignent les règles en toute impunité.

Loot boxes : un système proche du jeu d’argent

Les loot boxes sont ces “coffres mystères” que les joueurs peuvent acheter contre de l’argent réel, espérant obtenir des objets rares. Bien que souvent présentées comme des fonctionnalités anodines, leur mécanique repose sur le hasard et rappelle fortement le fonctionnement des jeux de hasard traditionnels.

Plus de 80 % des jeux mobiles en Occident, selon l’étude du chercheur Leon Y. Xiao, en intègrent. Et ce, y compris dans des titres accessibles dès 4 ans selon les classifications d’âge des app stores.

Le cadre légal : des règles claires mais ignorées

Depuis 2020, l’Autorité néerlandaise des consommateurs et des marchés (ACM) impose aux développeurs de jeux quatre obligations majeures :

  1. Afficher le prix en euros pour chaque achat in-game, y compris les loot boxes.
  2. Indiquer les probabilités d’obtenir chaque objet aléatoire.
  3. Mentionner la présence de loot boxes dans la description du jeu sur les boutiques d’applications.
  4. Ne pas inciter directement les enfants à dépenser de l’argent réel.

Or, les résultats du rapport sont accablants :

  • Affichage en euros : respecté par seulement 2 % des jeux.
  • Probabilités détaillées : 35 % des jeux les indiquent partiellement, souvent de manière incomplète ou confuse.
  • Mention dans l’App Store : moins de 5 % des titres avertissent les joueurs de la présence de loot boxes.
  • Incitations aux mineurs : plusieurs jeux contiennent des appels à l’action directs comme “achète maintenant”, pourtant interdits.

Des failles dans l’application de la loi

Pourquoi une telle non-conformité ? L’explication tient en deux mots : manque d’application. Si l’ACM a clairement défini les règles, peu de sanctions ont été émises. À l’inverse, lorsque Apple a intégré automatiquement certaines obligations dans son système (comme la mention “achats intégrés”), la conformité a atteint… 100 %.

Cela prouve qu’avec une volonté politique et des mécanismes techniques adaptés, le respect des normes est possible. Mais l’étude met en lumière une vérité gênante : certaines multinationales sont au courant des exigences mais choisissent sciemment de ne pas les appliquer.

Une “gratuité” trompeuse

Autre point mis en lumière par le rapport : l’utilisation abusive du mot “gratuit” pour des jeux qui incitent massivement à l’achat. Sur les 50 jeux les plus rentables de l’App Store néerlandais, tous étaient présentés comme “gratuits”, alors qu’ils reposaient sur des microtransactions parfois onéreuses.

Dans certains cas, l’interface et le design sont conçus pour masquer la conversion entre monnaie réelle et virtuelle, rendant difficile pour les joueurs de savoir combien ils dépensent réellement.

Des enfants ciblés… et vulnérables

L’un des aspects les plus alarmants de cette enquête réside dans la vulnérabilité des enfants. Une grande partie des jeux analysés sont jugés adaptés aux moins de 12 ans, alors même qu’ils contiennent des mécanismes inspirés des jeux de hasard.

Des études antérieures ont montré une corrélation inquiétante entre l’achat de loot boxes et le développement ultérieur de comportements de jeu problématique, notamment chez les adolescents.

Les Pays-Bas, miroir de l’inaction européenne ?

Le cas néerlandais est révélateur d’un malaise plus large au sein de l’Union européenne. Bien que les directives européennes sur les pratiques commerciales déloyales (UCPD) existent, leur application reste largement théorique sans mesures coercitives.

La Commission européenne elle-même a rappelé, en 2021, que les loot boxes doivent être traitées comme du contenu payant aléatoire, avec des exigences de transparence. Mais tant que les régulateurs nationaux ne passent pas à l’action, les consommateurs restent vulnérables.

Les loot boxes en Belgique

En avril 2018, la Commission des jeux de hasard (CJH) de Belgique a conclu après analyse que les loot boxes (incluant des titres majeurs tels que FIFA 18, Overwatch et Counter‑Strike: Global Offensive) constituaient des jeux de hasard. Elles remplissaient les critères légaux : mise financière, hasard, possibilité de gain ou perte, ce qui enfreint la loi belge sur les jeux d’argent. Elles sont donc désormais interdites.

Les conséquences juridiques sont graves : les éditeurs enfreignant cette interdiction s’exposent à peines de prison jusqu’à cinq ans, ainsi qu’à amendes pouvant atteindre 800 000 €, voire le double si des mineurs sont impliqués.

Malgré cela, certains éditeurs ont opté pour des contournements techniques (comme des monnaies intermédiaires), permettant aux joueurs belges d’acheter indirectement des loot boxes. Plusieurs rapports, notamment celui du chercheur Leon Y. Xiao en 2022, démontrent que plus de 80 % des jeux mobiles populaires en Belgique proposent encore des loot boxes, malgré l’interdiction. La CJH elle-même admet un manque de moyens humains et techniques pour contrôler efficacement tous les titres.

Une industrie sous pression

Face à la pression croissante des médias, des chercheurs, et des ONG de défense des consommateurs, les géants du jeu vidéo devront s’adapter. Certaines initiatives, comme celles du Royaume-Uni via l’Advertising Standards Authority, vont dans le bon sens. Mais selon Leon Y. Xiao, seul un cadre légal ferme et des sanctions financières substantielles pourront inverser la tendance.

Le message de cette recherche est clair : les règles existent, mais sans contrôle ni sanction, elles sont inefficaces. Les Pays-Bas disposent d’un arsenal juridique puissant, hérité du droit européen. Il est temps de s’en servir.

Alex: Alex explore le monde des casinos à travers des articles informatifs et divertissants. Nourri par une passion profonde pour l'art et la télévision, chaque texte témoigne d'une attention particulière aux détails et d'une quête d’équilibre entre rigueur et créativité. Que ce soit pour démystifier des stratégies de jeu ou raconter l’histoire fascinante des casinos, son objectif est d'informer tout en captivant ses lecteurs.
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