Depuis fin 2020, l’Espagne a lancé une série de mesures drastiques visant à limiter la publicité pour les jeux d’argent, provoquant un séisme dans l’industrie. Mais derrière ces changements se dessine une réalité complexe : malgré la chute du nombre de nouveaux comptes, les mises et dépôts continuent de grimper. Un paradoxe surprenant.
2020 : restrictions et interdictions
Dès novembre 2020, le Royal Decree 958/2020 a introduit un arsenal de règles strictes :
- suppression des bonus de bienvenue,
- interdiction de la publicité à la télévision et à la radio entre 1h et 5h,
- interdiction des célébrités et influenceurs dans les pubs,
- bannissement de la publicité sur YouTube et autres plateformes vidéo,
- fin des partenariats-sponsoring, notamment dans le sport.
L’objectif affiché était la protection des mineurs et la réduction de l’exposition excessive des consommateurs, notamment vulnérables.
Répercussions immédiates : la chute vertigineuse des comptes
Les conséquences ne se sont pas fait attendre :
- nouveau comptes ouverts : 3,01 millions en 2020 → 1,35 million en 2023, soit une baisse de 55 %.
- chute particulièrement marquée en 2022 (–35 % sur un an) .
Selon les chercheurs, c’est l’interdiction des bonus de bienvenue qui a le plus pesé dans cette désaffection. Les modèles indiquent qu’au deuxième trimestre 2021, le décret a directement supprimé 263 000 nouveaux comptes.
Le paradoxe : plus de dépôts, plus de mises
Alors que les inscriptions s’effondraient, les montants misés et déposés ont continué leur ascension :
- Dépôts : de 2,19 milliards € en 2020 à 3,18 milliards € en 2023.
- Mises : de 20,75 milliards € en 2020 à 26,5 milliards € en 2023.
Un comportement révélateur : les joueurs déjà inscrits sont en train de miser plus fort malgré des limites imposées (600 €/jour, 1 500 €/semaine, 3 000 €/mois) .
Impact sur les dépenses publicitaires et les bonus
Avec la baisse des nouveaux joueurs, les opérateurs ont ralenti leurs investissements marketing :
- Dépenses publicitaires : 193,7 M€ en 2020 → 116,5 M€ en 2022, légère remontée à 122,8 M€ en 2023.
- Bonus : dépenses chutant de 189,5 M€ à 165,9 M€ sur la même période.
- Sponsoring : plonge de 25,76 M€ à seulement 2,67 M€ en 2022, puis léger redressement à 3,59 M€ en 2023.
Des ajustements calqués sur le décret, avec plus de retenue depuis 2022, visent une communication plus responsable.
La riposte juridique : un retour en arrière en 2024
En avril 2024, la Cour suprême espagnole a invalidé plusieurs articles du décret, sur la base de l’absence de fondement juridique suffisant :
- Article 13 : ciblage des “nouveaux joueurs” abrogé,
- Article 15 : retour possible des célébrités dans les pubs,
- Réintroduction de la publicité sur YouTube et plateformes vidéo,
- Publicités sur réseaux sociaux autorisées à nouveau pour tous les +18 ans.
Cependant, l’interdiction des sponsoring sportifs reste en place.
Un retour des pubs, une montée de l’activité
Suite à la décision de la Cour suprême, les opérateurs ont rapidement relancé leur communication :
- Au troisième trimestre 2024 : +9,7 % des dépenses marketing par rapport à T2, montant total à 131,7 M€.
- Reprise des inscriptions : +1,7 % nouveaux comptes vs T2.
- Le GGR atteint 348,1 M€, en hausse de 14,4 % sur un an.
Le casino en ligne tire vraiment son épingle du jeu : +17,3 % en un an .
Vers de nouvelles régulations ?
Malgré ce répit juridique, le ministre Pablo Bustinduy prépare une nouvelle offensive : en mai 2024, il a annoncé la volonté de rétablir des restrictions sur la publicité en ligne et le recours aux influenceurs, dans un cadre législatif plus solide.
Parallèlement, des mesures de vérification d’identité renforcée sont en préparation pour lutter contre la participation des mineurs .