L’idée d’une reprise des essais nucléaires dans le désert du Nevada, à quelques heures de Las Vegas, a récemment refait surface dans le débat politique américain. L’administration de Donald Trump avait envisagé, au cours de son mandat, de réactiver le programme de tests sur le site nucléaire national du Nevada.
Un site chargé d’histoire
Le Nevada National Security Site, anciennement connu sous le nom de Nevada Test Site, se situe à environ 105 kilomètres au nord-ouest de Las Vegas. C’est ici qu’ont été effectués la majorité des essais nucléaires sur le sol américain entre 1951 et 1992.
À cette époque, Las Vegas est en pleine mutation. Dans les années 1930 et 1940, la ville s’était déjà imposée comme un lieu de divertissement majeur, mais la Chambre de commerce locale chercha à aller plus loin, désireuse de faire de Vegas la capitale mondiale du spectacle. Lorsque les premiers essais ont lieu, l’occasion leur semble idéale pour renforcer l’image d’une ville unique, différente du reste du pays.
Ainsi naît une étrange fusion entre spectacle et menace atomique. À peine quelques jours après la première explosion, le 27 janvier 1951, les hôtels du Strip distribuent des communiqués annonçant des horaires de tests afin de permettre aux visiteurs de planifier leurs soirées et leurs matinées. Des soirées spéciales, baptisées Dawn Bomb Parties, sont organisées sur les toits des casinos, où l’on sirote des cocktails aux noms évocateurs, comme Atomic Sunrise, en attendant qu’un champignon nucléaire s’élève à l’horizon.
Cette mise en scène de l’atome finit cependant par se heurter au réel. Au début des années 1960, les habitants de plusieurs régions proches commencent à signaler des malformations animales, des brûlures sur le bétail et une augmentation de maladies graves. La conscience des dangers liés aux retombées radioactives progresse dans l’opinion publique.
En 1963, la signature du Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires met fin aux explosions atmosphériques. Le site du Nevada continue d’accueillir des essais souterrains jusqu’en 1992, mais les jours où l’on observait des déflagrations depuis les bars du Strip appartiennent désormais à l’histoire.
Une volonté politique qui divise
L’idée de reprendre les essais nucléaires s’inscrit, selon l’administration de Donald Trump, dans un contexte stratégique. Il s’agit notamment de montrer la capacité militaire des États-Unis face à la Russie et à la Chine, accusées de mener ou de se préparer à des essais similaires.
Cette justification stratégique a semblé insuffisante pour de nombreux responsables du Nevada. Dès l’annonce, des élus locaux, démocrates comme républicains, ont exprimé leur désaccord. Leur message était clair : le Nevada a déjà payé un prix trop élevé. De plus, les experts s’accordent à dire que les États-Unis disposent aujourd’hui de technologies de simulation avancées permettant d’assurer la fiabilité de l’arsenal nucléaire sans recourir à des détonations souterraines ou atmosphériques.
Le gouverneur du Nevada, Steve Sisolak, s’est dit fermement opposé à toute reprise des essais, rappelant l’impact durable sur la santé publique des générations passées. Selon lui, revenir sur ce passé reviendrait à revivre une page que l’État tente encore de tourner.
Les sénatrices Catherine Cortez Masto et Jacky Rosen ont également dénoncé ce projet, insistant sur le fait qu’aucune justification militaire ne pourrait compenser le risque pour les populations.
L’économie locale, fortement centrée sur le tourisme, s’inquiète également. Las Vegas lutte depuis longtemps pour renforcer son image moderne et sécurisée. L’idée d’une zone d’essais nucléaires active à proximité pourrait ternir cette réputation fragile et affecter l’attractivité touristique.
Conclusion
La perspective d’un retour des essais nucléaires près de Las Vegas agit comme un miroir tendu au passé. Elle met en lumière la fragilité du lien entre impératif de sécurité nationale et responsabilité envers les populations. Face à ce projet, la réponse du Nevada a été claire, forte et unifiée : la mémoire de ce territoire, les cicatrices encore visibles et les dangers persistants ne doivent pas être ignorés.