En 2025, la spectaculaire ascension de Stake se heurte aujourd’hui à une tempête juridique sans précédent. Au cœur d’un réseau complexe mêlant influenceurs, studios de jeux, modèles sweepstakes et fondations offshore, Stake est aujourd’hui visé par une série de poursuites qui pourraient redéfinir les marges de l’industrie du jeu en ligne.
Naissance d’un empire et ticket vers l’ombre
L’histoire de Stake commence avec Ed Craven et Bijan Tehrani, anciens acteurs du monde du jeu vidéo qui transformèrent leur expertise en pari sur le futur du divertissement crypto. Dès 2017, leur plateforme a été bâtie autour d’un modèle hybride : des Gold Coins et Sweeps Coins censés détourner la législation américaine sur le jeu en ligne. Ce modèle promettait des revenus colossaux dans des territoires peu surveillés.
Mais cette frontière floue entre loterie et jeu est précisément celle qui a été exploitée. L’influence marketing, largement portée par des célébrités et des streamers, offrit à Stake une crédibilité et une couverture médiatique intense. Le modèle fonctionnait tant que l’ombre juridique restait faible. Mais aujourd’hui, ce voile tombe.
La tempête judiciaire
En 2025, Stake se retrouve au cœur d’au moins sept poursuites aux États-Unis, visant non seulement l’entité corporative, mais ses fondateurs, ses promoteurs et même ses fournisseurs.
Californie : la plainte emblématique
Le bureau du procureur de Los Angeles a engagé une action civile en août 2025 contre Stake.US, Ed Craven, Bijan Tehrani et plusieurs grands fournisseurs de jeux (Evolution, Pragmatic Play, Hacksaw, Red Tiger, NetEnt, etc.) pour opération de casino illégal déguisé en sweepstakes.
La plainte réclame le remboursement des pertes aux consommateurs californiens, des sanctions dissuasives et une injonction pour arrêter toute promotion dans l’État. Elle accuse Stake de publicité mensongère, de concurrence déloyale et de tromperie en masquant la nature réelle du produit.
Missouri : que risquent Drake et Adin Ross ?
En octobre 2025, une action collective déposée au Missouri cible Stake.US, le rappeur Drake et le streamer Adin Ross : ils sont accusés d’avoir promu un casino illégal déguisé en jeu social, induisant les consommateurs en erreur et normalisant les paris.
Selon la plainte, les influenceurs n’utilisent souvent pas leur propre argent lors des diffusions — un mécanisme de house money mis à disposition par Stake — tout en présentant leur activité comme authentique.
Autres États : Illinois, Alabama, Massachusetts, Caroline du Sud, Minnesota
Des poursuites similaires se multiplient :
- Dans le Minnesota, une plainte affirme que le modèle à double devise (Gold Coins / Stake Cash) constitue un jeu monnayable déguisé et viole les lois locales sur les jeux d’argent.
- En Illinois, Alabama, Massachusetts ou Caroline du Sud, des accusations de pratiques trompeuses, non disclosure de risques et d’activités non autorisées s’accumulent.
Au total, ce réseau de contentieux tente de percer le voile corporatif et d’atteindre les fonctions les plus en amont de l’écosystème Stake.
Fondateurs et fournisseurs dans la ligne de tir
Jusqu’à présent, les cofondateurs étaient relativement protégés derrière des structures offshore. Mais les récentes actions judiciaires les nomment personnellement. La plainte californienne les décrit comme responsables de la stratégie globale, coupables de faciliter ou tolérer la violation des lois locales.
Parallèlement, les fournisseurs de jeux comme Evolution, Hacksaw ou Pragmatic Play sont intégrés comme co-défendeurs, accusés d’avoir livré du contenu et support technique en sachant (ou en ignorant de manière volontaire) l’usage illégal qui en était fait. Si cette stratégie aboutit, elle pourrait redéfinir la responsabilité des studios dans l’industrie du iGaming, imposant une obligation de diligence stricte quant aux plateformes partenaires.
Le voile du sweepstakes se déchire
Au cœur du litige se trouve le modèle marketing de Stake US. Il repose sur une distinction souvent contestée entre “jeux gratuits” et “jeux pour de l’argent réel”. Officiellement, les utilisateurs peuvent recevoir des tokens gratuits en dehors de tout achat. Dans les faits, la quasi totalité des utilisateurs achèteraient des Gold Coins (et par extension des Sweeps Coins) pour jouer, puis convertir leurs gains.
Les autorités envisagent désormais que les casinos sweepstakes puissent être eux-mêmes reclassés comme jeux de hasard non autorisés, brisant l’assise légale sur laquelle comptait Stake.
Chute des dépôts : signal d’alarme financier
Les signaux financiers accompagnent la tempête juridique. D’après des données partagées par Dominic Sawyer (Tequity / Tanzanite), entre le 20 et le 27 octobre 2025, les dépôts totaux sur Stake ont chuté de 22,5 % (de 394,4 M USD à 305,5 M USD). Plus spectaculaire encore, Stake US affiche un effondrement de 82,3 %, passant de 81,8 M USD à 14,5 M USD.
Même si ces chiffres ne sont pas validés par Stake, ils traduisent un recul abrupt de la confiance. Pour un modèle selon lequel tout repose sur le volume de transactions à haute vitesse, une telle baisse peut fragiliser la liquidité, les commissions des affiliés, et compromettre le modèle dans sa globalité.
L’équation Stake : durabilité ou débâcle ?
Stake est désormais à la croisée des chemins. Face à la multiplication des contentieux, le silence de Craven, Tehrani et des promoteurs comme Drake contraste avec l’agressivité des dossiers déposés : aucun commentaire sérieux n’a été publié jusqu’ici. En coulisse, certains partenaires retirent leur soutien et les réseaux d’affiliation commencent à dissocier leurs plateformes de Stake. La marque, autrefois perçue comme novatrice, voit son crédit associatif s’effriter.
Pour survivre, Stake doit probablement envisager un profond remaniement structurel : clarifier ses chaînes légales, obtenir des licences crédibles, restreindre les relations marketing risquées. Mais l’ampleur du défi est telle qu’on peut sérieusement se demander si la plateforme peut rebondir avant de perdre l’adhésion publique et réglementaire.