Dans l’univers très régulé des jeux d’argent britanniques, le modèle du white label s’est imposé comme une porte d’entrée stratégique pour de nombreuses marques étrangères. Plutôt que d’obtenir leur propre licence (un processus long, coûteux et complexe) ces entreprises s’adossent à un opérateur déjà licencié au Royaume-Uni. Le “label blanc” leur permet alors de proposer leurs services légalement, sans être elles-mêmes titulaires d’une autorisation de la Gambling Commission.
Que sont les white labels dans l’industrie des jeux ?
Dans le secteur des jeux d’argent en ligne, le terme “white label” désigne un modèle de licence partagée, où une entreprise titulaire d’une licence officielle de la Gambling Commission permet à d’autres marques d’utiliser cette licence pour opérer légalement.
Concrètement, cela signifie qu’un opérateur étranger, qui ne détient pas de licence propre au Royaume-Uni, peut proposer ses services aux joueurs britanniques en passant par une plateforme déjà agréée. C’est un peu comme sous-louer un droit d’exploitation, à condition de respecter les règles établies par le titulaire de la licence.
Le titulaire white label est responsable de tous les aspects légaux et réglementaires : conformité, protection des joueurs, politique anti-blanchiment, audit des transactions, etc. De leur côté, les marques partenaires gèrent l’image, le marketing, les interfaces clients et l’offre commerciale.
Pourquoi ce système séduit-il ?
La réponse est double : souplesse et accès rapide au marché. Pour une marque étrangère souhaitant toucher les parieurs britanniques, obtenir une licence indépendante représente une barrière énorme. Cela implique des audits complexes, une transparence financière irréprochable, et une infrastructure technique conforme aux standards du régulateur.
Le white label, à l’inverse, offre un raccourci. Une marque peut ainsi opérer presque immédiatement sous la bannière d’un partenaire déjà agréé. Elle bénéficie d’une plateforme clé en main, d’un système de paiement conforme, et d’un hébergement sécurisé. C’est une solution idéale pour tester un marché, sans investissement structurel massif.
Un tremplin pour l’innovation et l’internationalisation
Dans un contexte globalisé, ce modèle a été déterminant pour faire du Royaume-Uni un hub international des paris en ligne. Des marques comme SBOTOP, Fun88, Sportsbet.io ou W88, souvent associées au sponsoring de clubs de Premier League, ont pu accéder rapidement à un vaste public grâce aux plateformes de TGP Europe, l’un des plus grands fournisseurs white label du pays jusqu’à sa récente sortie du marché.
Ces marques ne sont pas de simples « clones » : elles construisent des identités propres, ciblent des segments culturels précis (comme les marchés asiatiques ou africains) et proposent des expériences utilisateurs personnalisées, tout en respectant le cadre juridique britannique.
Une délégation de responsabilité… qui inquiète
Mais ce succès apparent cache une réalité plus complexe. Le modèle white label repose sur un principe risqué : la responsabilité légale repose sur le titulaire de la licence, et non sur les marques partenaires. Cela signifie que si une plateforme sous white label enfreint les règles (sur le blanchiment, la protection des joueurs ou la publicité), c’est le détenteur de la licence qui est sanctionné.
Le cas TGP Europe l’illustre brutalement. En mai 2025, l’entreprise a reçu une amende de 3,3 millions de livres sterling pour manquements graves en matière de diligence et de conformité. Plutôt que de revoir son fonctionnement, elle a choisi de retirer sa licence du marché britannique. Résultat : les marques qu’elle hébergeait, dont plusieurs sont visibles sur les maillots de clubs de football anglais, ont dû suspendre leurs opérations au Royaume-Uni.
Un modèle qui divise les autorités
La Gambling Commission, le régulateur britannique des jeux d’argent, reconnaît la valeur du modèle white label… tout en avertissant qu’il peut devenir un vecteur de risques s’il est mal encadré.
Face aux critiques croissantes, le Gambling Act Review, lancé en 2020, propose de renforcer les contrôles autour des partenariats white label. Plusieurs pistes sont évoquées : audits plus fréquents, traçabilité renforcée des flux financiers, et exigence d’une transparence totale sur les structures de gouvernance.
Des clubs de football dans la ligne de mire
Le débat s’étend désormais au-delà du secteur des jeux. La Gambling Commission a adressé des mises en garde aux clubs de Premier League qui hébergent ou promeuvent des marques sponsorisées via white label. Si ces marques ne respectent plus les règles britanniques, les clubs eux-mêmes pourraient faire l’objet de sanctions.
C’est le cas de Newcastle, Fulham, Wolverhampton ou Burnley, qui avaient noué des partenariats commerciaux avec des marques dépendant de TGP Europe. Le régulateur exige aujourd’hui que ces clubs vérifient que les plateformes ne sont plus accessibles depuis le Royaume-Uni et suspendent immédiatement leur promotion si ce n’est pas le cas.
Une réforme, pas une disparition
Faut-il pour autant abolir les white labels ? La réponse n’est pas aussi tranchée. De nombreux experts soulignent que ce modèle peut être vertueux s’il est bien encadré.
Il permet l’arrivée de nouveaux entrants, stimule l’innovation, et favorise la diversité dans une industrie dominée par quelques géants. Le problème n’est pas le modèle lui-même, mais le manque de surveillance de certains partenaires, et le contournement des responsabilités juridiques par certaines entreprises.