Grève historique dans la filière hippique française contre le projet de surtaxation
La filière hippique se prépare à une mobilisation inédite ce jeudi 7 novembre, où une «journée morte» paralysera l’ensemble des courses en France. Ce mouvement de grève s’annonce comme une réponse ferme face à l’amendement fiscal du gouvernement, jugé mortifère par de nombreux acteurs du secteur. Avec cette mobilisation, la filière entend manifester son opposition à une hausse de taxes sur les paris hippiques, un amendement rejeté en première lecture mais susceptible de revenir via un passage en force par l’article 49.3 de la Constitution.
Un mouvement de contestation sans précédent
Les courses hippiques, tradition phare en France, seront donc suspendues le 7 novembre, un événement rare, inédit depuis la Seconde Guerre mondiale et la pandémie de Covid-19. La décision d’interrompre les courses a été portée par Lakhdar Terbèche, éleveur et propriétaire de chevaux, qui, en initiant cette «journée morte», espère un impact retentissant. Le slogan du mouvement, «On marche ou on crève», traduit l’urgence ressentie par une filière qui emploie près de 70 000 personnes.
La grève devrait coûter environ 2 millions d’euros à l’État, selon les estimations des associations syndicales.
Cependant, d’autres personnalités remettent en question l’utilité d’un tel mouvement.
“Oui, il est nécessaire que les socio-professionnels manifestent contre cette taxation inappropriée. Non à la grève, car c’est se tirer une balle dans le pied.”
Pierre Bellaiche, président du Syndicat Hippique SHN-CGC
« Supprimer les courses jeudi prochain ne sert à rien, cela envoie juste le signal au gouvernement qu’on a les moyens de se priver de plus de 3 millions d’euros de recettes nettes. »
Guillaume Macaire, entraîneur d’obstacles bien connu dans le milieu
Un projet de loi controversé
Au cœur des revendications : un amendement au projet de loi de finances 2025, qui propose d’alourdir la fiscalité des paris hippiques, touchant aussi bien les paris enregistrés en points de vente (de 6,9 % à 7,5 %) que ceux en ligne (de 6,9 % à 15 %). Le député Charles de Courson avait également introduit une proposition pour taxer les gains supérieurs à 1 500 euros à hauteur de 13,7 %, mais celle-ci a également été rejetée. Pourtant, la filière demeure mobilisée, craignant un retour de ces mesures sous une forme différente.
«Ce type de fiscalité met en péril l’activité des éleveurs, entraîneurs et autres professionnels.»
Guillaume Macaire
François Bayrou, maire de Pau et propriétaire de chevaux, s’est également exprimé en faveur de la filière en qualifiant ces mesures de potentiellement destructrices pour des milliers d’emplois et des traditions rurales.
Si les députés ont rejeté ces mesures par 72 voix contre 57, le spectre d’un recours au 49.3 plane, alimentant les craintes. En cas d’adoption forcée de ces taxes, le secteur pourrait subir une perte de compétitivité sévère, menaçant les emplois et le fonctionnement global de l’industrie hippique. En outre, de nombreux acteurs du secteur estiment que cette surtaxation pourrait détourner les parieurs vers des sites de jeux illégaux, aggravant ainsi les risques d’addiction sans bénéficier à l’économie légale.
Les répercussions en cas de 49.3 : un risque pour toute une filière
L’augmentation des taxes sur les paris hippiques n’est qu’une partie d’un ensemble de mesures qui affecteraient aussi les paris sportifs, les jeux de casinos, et même les campagnes publicitaires et offres promotionnelles des opérateurs de jeux. Par exemple, la fiscalité des paris sportifs en ligne pourrait passer de 10,6 % à 15 %, tandis que les publicités et certains jeux de casino seraient également concernés par une hausse de 6,6 % à 7,6 %.
«Nous comprenons la volonté du gouvernement de freiner certaines pratiques addictives, mais ces taxes mettent en péril un secteur légal et encadré, qui contribue largement aux finances publiques et à l’emploi.»
Laurent Saint-Martin, ministre du Budget
Il affirme vouloir protéger les activités hippiques mais sans garantie d’écarter le 49.3. Pour la filière, ces propos n’apportent pas de réelles assurances : le recours au 49.3 reste une inquiétude majeure.
La crainte d’un passage en force et ses conséquences
En maintenant la pression, les professionnels du secteur espèrent obtenir une révision complète de ces amendements sans recourir au 49.3, qui leur apparaîtrait comme une démonstration de force injustifiée.
«La grève est un sacrifice, mais si le gouvernement passe en force, ce serait une condamnation à mort pour beaucoup d’entre nous».
Thibault Lamare, porte-parole des syndicats hippiques
Cette mobilisation du 7 novembre marque un tournant pour le monde hippique français, qui refuse de voir son avenir compromis par une fiscalité qu’il juge inadaptée et potentiellement destructrice.
Qu’est-ce que le 49.3 ?
L’article 49.3 de la Constitution française permet au gouvernement de faire adopter un texte de loi sans vote parlementaire, en engageant sa responsabilité devant l’Assemblée nationale. Si les députés veulent contester cette adoption, ils doivent déposer une motion de censure. Si celle-ci est votée, le gouvernement est renversé, mais si elle échoue, le texte est considéré comme adopté. Le 49.3 est donc un outil puissant, souvent controversé, qui permet de contourner les blocages législatifs, mais qui peut aussi être perçu comme une forme de passage en force.
Dans le contexte actuel, la filière hippique redoute que le gouvernement utilise cette procédure pour imposer la hausse de la fiscalité des paris malgré l’opposition rencontrée, ce qui augmenterait encore davantage le climat de tension et d’inquiétude dans le secteur.