L’alerte choc de Magali Clavie, présidente de la CJH
La présidente de la Commission des jeux de hasard, Magali Clavie, vient de lancer un avertissement qui résonne comme un signal d’urgence nationale. Derrière un secteur où des centaines de milliers de personnes jouent chaque jour se cache une réalité inquiétante, marquée par une explosion du jeu en ligne, une prolifération des opérateurs illégaux et un manque criant de ressources.
« On ne peut plus continuer comme à la préhistoire ! »
Lorsque Magali Clavie décrit la situation actuelle, son ton ne laisse aucune place au doute.
« On ne peut plus continuer comme à la préhistoire ! » confie-t-elle, évoquant une législation dépassée et un manque évident d’effectifs.
La Commission compte aujourd’hui 32 équivalents temps plein, alors que le dernier plan fédéral prévoyait 57 postes. L’écart est immense. Et si l’on compare à d’autres pays européens, l’écart devient vertigineux : les Pays-Bas disposent d’une équipe de 200 personnes.
Clavie insiste : cette fragilité structurelle met directement en danger les joueurs. Le manque de personnel, associé à des missions toujours plus nombreuses, pousse le régulateur à opérer par priorités plutôt qu’à couvrir l’ensemble du secteur.
Des contrôles de plus en plus rares : une faille qui s’élargit
La multiplication des salles de jeux, des casinos, mais surtout la croissance fulgurante du jeu en ligne ont rendu la mission presque impossible.
« On ne peut plus contrôler toutes les librairies où il y a des bornes de paris. On ne peut plus être dans tous les casinos… »
La Commission doit désormais s’appuyer sur des plans d’action ciblés, limitant ses interventions aux zones jugées prioritaires. Et dans ce contexte, deux axes demeurent intouchables :
- Le respect de la liste EPIS, qui regroupe les joueurs interdits.
- La vérification de l’âge minimal requis.
Mais tout le reste ne peut être couvert correctement. Résultat : une brèche s’ouvre, dans laquelle les opérateurs illégaux s’engouffrent avec une facilité déconcertante.
Le fléau invisible des sites illégaux
Dans le monde du jeu en ligne, l’offre illégale se développe à une vitesse alarmante. Ses dangers sont multiples. D’abord, l’absence de garantie : les gains promis ne sont pas toujours versés, et le joueur lésé n’a aucun recours. Ensuite, l’absence totale de protection. Un joueur endetté ou inscrit sur la liste des interdits peut y être accueilli sans que personne ne s’interroge sur son état financier ou psychologique. L’opérateur illégal ne vérifie ni l’âge, ni l’identité, ni la vulnérabilité du client. Cette absence de contrôle favorise également le blanchiment, puisque les vérifications habituelles sont inexistantes.
Pour Clavie, une partie de la solution consiste à réduire la visibilité de ces sites illégaux. Elle le dit clairement : « Ces sites illégaux font énormément de pub sponsorisée sur les réseaux sociaux : c’est interdit mais ça les met en évidence et ça leur donne une apparence de légalité. »
Cette stratégie est redoutable. Les joueurs, souvent novices ou mal informés, peuvent croire avoir affaire à un site autorisé. Et comme les opérateurs légaux respectent l’interdiction de publicité sponsorisée, ils deviennent presque invisibles en comparaison.
Heureusement, la Commission dispose d’un canal direct avec Meta, permettant de faire supprimer ce sponsoring. Le chiffre révèle l’ampleur du phénomène : 7000 signalements envoyés cette année rien que pour faire cesser ces publicités illicites.
Mais le combat ressemble à un jeu du chat et de la souris. Une fois un site dénoncé, un autre apparaît aussitôt. La fameuse liste noire, déjà longue d’environ 700 plateformes, ne cesse de s’allonger.
Face à cette offre illégale, il existe pourtant un marché légal solide et strictement réglementé. La Belgique compte près de 80 opérateurs disposant d’une licence officielle, soumis à des contrôles réguliers ou basés sur les plaintes déposées par les joueurs.
Les chiffres montrent l’ampleur du secteur :
- 600 000 comptes actifs de joueurs en ligne,
- 150 000 joueurs quotidiens sur internet,
- 12 000 joueurs en physique (casinos et salles de jeux),
- 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel.
Le gouvernement Arizona face à ses responsabilités
La perspective d’un renforcement des effectifs paraît pourtant incertaine, dans un contexte où le gouvernement Arizona mène une politique stricte d’économies.
La Commission est financée par un fonds alimenté par les opérateurs eux-mêmes. Les moyens financiers existent donc. Le véritable blocage réside ailleurs : la dépendance au SPF Justice pour les recrutements, un service déjà saturé.
Un changement majeur se prépare cependant. Dès janvier prochain, la Commission passera sous l’autorité du SPF Économie. Un transfert que Clavie espère déterminant.
Le constat posé par Magali Clavie est clair : sans renfort, le système va continuer à se fissurer. La multiplication des opérateurs, l’explosion du jeu en ligne, la fragilité des plus vulnérables, l’agilité des sites illégaux et les nouvelles technologies de contournement risquent de dépasser définitivement les capacités du régulateur.

