Confidentialité bafouée : Meta et les sites de paris
Imaginez naviguer sur un site de paris en ligne, convaincu que vos données personnelles sont protégées. Quelques heures plus tard, des publicités ciblées pour des jeux d’argent envahissent votre fil d’actualité Facebook. Coïncidence ? Pas vraiment. Une enquête récente a révélé que de nombreux sites de jeux d’argent partagent secrètement les données de leurs utilisateurs avec Meta, la maison mère de Facebook, sans leur consentement explicite.
Les révélations de l’enquête
L’enquête menée par The Observer a mis en lumière l’utilisation du « Meta Pixel » par de nombreux sites de jeux d’argent. Cet outil de suivi capture diverses informations sur les activités des visiteurs, telles que les pages consultées et les clics sur des boutons liés aux paris. Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est que ces données sont transmises à Meta avant même que les utilisateurs n’aient la possibilité d’accepter ou de refuser le suivi, ce qui constitue une violation potentielle des lois sur la protection des données.
Selon l’investigation, sur 150 sites de jeux d’argent britanniques analysés, 52 transmettent automatiquement des données à Meta, et ce, sans le consentement des utilisateurs. Parmi ces sites figurent des noms bien connus tels que Hollywoodbets, Bwin et 10Bet. Même lorsque ces sites affichent des bannières de consentement, les tests ont révélé que les données étaient tout de même transférées à Meta sans l’accord explicite des utilisateurs. Cette situation a conduit de nombreux utilisateurs à recevoir des publicités ciblées pour des jeux d’argent sur Facebook, suggérant que Meta les avait profilés en tant que parieurs potentiels.
Réactions et conséquences
Cette révélation a suscité l’indignation parmi les régulateurs et les législateurs. Iain Duncan Smith, président du groupe parlementaire multipartite sur la réforme des jeux d’argent, a appelé à une action immédiate, déclarant que les pratiques marketing de l’industrie des jeux d’argent sont hors de contrôle et que les régulateurs ne parviennent pas à faire respecter les règles.
Wolfie Christl, expert en confidentialité, a également critiqué l’implication de Meta, affirmant :
« Même avec consentement, partager des données avec Meta est risqué. Le faire sans l’approbation de l’utilisateur est une violation flagrante de la loi. Meta profite de ces pratiques tout en évitant la responsabilité. »
De son côté, le Bureau du Commissaire à l’information (ICO) examine actuellement l’utilisation des pixels de suivi, avertissant que les entreprises doivent les utiliser de manière « équitable, légale et transparente ». L’ICO a déclaré qu’il imposerait des amendes pouvant atteindre 500 000 £ si nécessaire.
Réponses des entreprises concernées
Suite à ces révélations, certaines entreprises de jeux d’argent ont pris des mesures correctives. Bwin, ancien sponsor du Real Madrid, a attribué le problème de partage de données à une erreur interne et a déclaré l’avoir corrigé. AG Communications, qui exploite plusieurs marques de jeux d’argent, a également modifié ses paramètres de suivi.
Cependant, d’autres, comme Sporting Index et 10Bet, n’ont pas répondu aux sollicitations. Hollywoodbets a insisté sur le fait qu’elle respectait toutes les réglementations, mais des tests ont montré qu’elle envoyait toujours des données à Meta sans consentement.
Ces découvertes s’ajoutent aux préoccupations croissantes concernant la publicité pour les jeux d’argent et la confidentialité des données. L’année dernière, l’ICO a réprimandé Sky Betting & Gaming pour avoir utilisé illégalement des cookies publicitaires. Dans une autre affaire, Sky Betting & Gaming a collecté des données sur un joueur compulsif et lui a envoyé plus de 1 000 publicités ciblées, aggravant ainsi son addiction.
Meta, qui a déjà été critiqué pour sa gestion des données personnelles, se retrouve une fois de plus sous le feu des projecteurs. Selon des experts, l’entreprise bénéficie de ces transferts de données tout en échappant à une réelle responsabilité légale.
Implications pour les utilisateurs
Pour les joueurs, ces pratiques posent de sérieux problèmes de confidentialité. Non seulement leurs données sont partagées sans consentement, mais elles sont également utilisées pour les cibler avec des publicités personnalisées, ce qui peut exacerber des comportements de jeu problématiques.
Bien que des mesures aient été prises pour limiter la publicité excessive, comme l’interdiction de la publicité pour les jeux de hasard en Belgique depuis juillet 2023, il est clair que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour protéger les consommateurs.