Broadway se soulève contre le grand casino
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23 Sep 2025 •
Reading time: 4 minutes À New York, Times Square vibrait déjà au rythme des néons, des foules et du théâtre, quand est apparue une proposition capable de tout bouleverser : un méga casino porté par le rappeur Jay-Z et ses partenaires. Mais derrière le faste promis, se sont dressés ceux qui craignaient que la magie de Broadway ne disparaisse.
Un projet titanesque, un rêve commercial
L’idée est simple, audacieuse, presque provocatrice. Roc Nation (la société de Jay-Z), SL Green, et Caesars Entertainment avaient proposé de transformer une tour de bureaux déjà existante à l’adresse prestigieuse du 1515 Broadway, en un complexe hôtelier mêlant casino, divertissements et restaurants, sous la marque de Caesars Palace. Le coût estimé : 5,4 milliards de dollars.
L’ambition était de créer non seulement un lieu de jeu mais un pôle de loisirs capable d’attirer touristes, vie de nuit et consommateurs fortunés, mais aussi de dynamiser Times Square, malgré les risques évidents.
Les voix du théâtre s’élèvent
Très vite, les voix du monde théâtral se sont fait entendre. Leur peur ? Que l’arrivée d’un casino remplace, affaiblisse ou même détruise l’identité de Broadway, son principal gagne-pain, et le tissu culturel qui dépend d’un public fidèle, marqué par les représentations, les œuvres vivantes, l’atmosphère unique des représentations en salle.
Les propriétaires de salles craignaient une concurrence directe : des touristes ou visiteurs détournés vers les lumières artificielles d’un casino, plutôt que vers les affiches des pièces de théâtre, vers les bancos plutôt que vers les claviers des spectacles. Plusieurs déclarations insistaient sur le fait que Broadway perdrait son âme si un tel complexe voyait le jour.
Le verdict : un projet refusé
Mercredi, le tournant est arrivé. Un comité consultatif communautaire, mandaté par l’État de New York, a rejeté la proposition. Ce rejet entraîne que le dossier ne sera pas soumis à la commission des jeux de hasard de l’État, une étape essentielle pour obtenir la licence nécessaire au fonctionnement du casino.
Ce non de la communauté locale vient après un examen minutieux, dans lequel les arguments du monde du théâtre ont semblé les plus convaincants : risques culturels, perte économique pour les théâtres traditionnels, impact sur l’ambiance de Broadway. Le projet ne meurt pas nécessairement (il pourrait être revu ou modifié) mais il est pour le moment mis en suspens.
Enjeux d’identité, d’économie et de pouvoir
Pourquoi Broadway a-t-il tant pesé dans le débat ? Parce que Broadway n’est pas qu’un quartier : c’est un symbole mondial du théâtre, du spectacle vivant, de la culture américaine populaire mais exigeante. Ce sont des emplois, des salles historiques, des touristes venus pour l’émotion d’une comédie musicale, pas forcément pour le bruit des machines à sous.
L’enjeu économique est double : d’un côté les gains potentiels d’un casino (taxes, emplois dans le secteur hôtelier, restauration, loisirs), de l’autre le risque de fragiliser un secteur culturel déjà soumis à des coûts élevés, à la concurrence numérique, à l’inflation. Les propriétaires de théâtres ont mis en avant qu’un déséquilibre dans l’écosystème de Broadway pourrait causer des pertes bien plus durables que les profits à court terme d’une entreprise de jeu.
D’un point de vue politique, le rejet montre aussi la force que peuvent avoir les communautés culturelles quand elles s’organisent : des comités, des protestations, une mobilisation où l’intérêt patrimonial et identitaire pèse plus lourd que le gain matériel immédiat. Cela rappelle qu’à New York comme ailleurs, les décisions urbaines ne sont pas seulement des choix financiers, mais des choix de société.
Jay-Z et ses partenaires, eux, défendaient un projet qui créerait des emplois, redynamiserait Times Square, et offrirait une nouvelle destination de divertissement aux touristes du monde entier. Mais à quoi sert la modernité si elle efface ce qui rend unique un lieu ? C’est la question que beaucoup à Broadway semblent avoir posée — et à laquelle ils ont obtenu une réponse pour l’instant favorable à la culture.