Jean-Michel Kowalski, un instituteur liégeois sauvé des démons du jeu
L’histoire de Jean-Michel Kowalski résonne comme un avertissement, mais aussi comme une main tendue vers celles et ceux qui se sentent prisonniers d’une addiction souvent silencieuse. Ancien instituteur, père de famille, éducateur respecté et entraîneur de football amateur, il a sombré au fil des années dans les mécanismes brutaux du jeu compulsif. Aujourd’hui, il témoigne pour que d’autres puissent éviter l’abîme qu’il a connu.
Le jour où tout a basculé
Rien, absolument rien, ne prédestinait Jean-Michel Kowalski à devenir joueur compulsif. Élevé dans une famille attachée aux valeurs du travail et de la discipline, il mène à vingt-cinq ans une vie stable : un emploi presque consolidé dans l’enseignement, un cercle d’amis solide, et une trajectoire sans aspérités.
Et puis un soir, un simple soir, un ami l’emmène au casino de Chaudfontaine. Cette curiosité va se payer au prix fort.
À la roulette, il mise, joue, sourit, et gagne. En quelques jours à peine, les gains s’accumulent : 42.000 francs belges, l’équivalent d’environ 10.000 euros. Le piège se referme alors qu’il ne s’en rend même pas compte. Le gain devient moteur, excitation, moteur de soirée en soirée. Ce qui n’était qu’une découverte se transforme en habitude.
Un cercle vicieux qui se resserre
Pendant des mois, Jean-Michel retourne au casino, toujours au même jeu, toujours à la roulette. Il perd, puis tente de se refaire. Il regagne un soir, reperd le lendemain. Une spirale classique mais implacable. Rapidement, les pertes creusent des trous que les gains ne comblent plus. Alors il emprunte. À des amis, à des collègues, à sa famille même. Il multiplie les prétextes, rassure, promet des remboursements avec intérêts, comme pour masquer le gouffre dans lequel il glisse.
Lorsque l’entourage ne peut plus l’aider, il se tourne vers la banque. Un premier prêt de 5.000 euros. Puis un second. L’argent devient carburant d’un système devenu hors de contrôle.
Les dégâts ne tardent pas à s’accumuler : son comportement change, ses absences se multiplient, les rumeurs s’étendent jusque sur Facebook. Son travail dans l’enseignement s’envole. Sa compagne s’éloigne.
Un soir, n’ayant plus nulle part où aller, il finit dans la forêt du Sart Tilman. Quatre jours, une petite bouteille d’eau, et l’impression d’être devenu invisible.
La parole qui sauve : le déclic venu d’un proche
En 2022, alors qu’il tente tant bien que mal de recoller les morceaux, son beau-fils de 26 ans s’adresse à lui. Quelques mots simples, mais bouleversants :
« Ressaisis-toi, fais-le pour moi. Tu es mon deuxième papa. »
Jean-Michel l’affirme :
« Il m’a sauvé. »
Les spécialistes le répètent souvent : une personne prise dans l’addiction a besoin d’une étincelle, d’une parole, d’un geste pour enclencher le processus de reconstruction. Ce fut son cas.
Dès lors, il entreprend une démarche lente mais ferme vers la guérison. Il cesse de jouer, réorganise sa vie, accepte de faire face. La justice met en place un plan de remboursement pour les dettes contractées. Il le suit scrupuleusement.
La volonté de témoigner
Aujourd’hui, Jean-Michel Kowalski a retrouvé une place dans l’enseignement. Le regard tourné vers l’avenir, il ne cache rien de son passé. Au contraire, il en parle pour que d’autres puissent comprendre ce qui se joue derrière la façade du plaisir, du hasard, de l’adrénaline.
Il continue chaque mois à rembourser les sommes dues. Il espère solder entièrement ses dettes dans deux ans.
En mars dernier, il publie à compte d’auteur Garçon, l’addiction !, un ouvrage dont le titre ne laisse aucune ambiguïté. Un livre pour raconter, mais aussi pour prévenir.
« L’enfer que j’ai traversé, je veux qu’il soit utile et qu’il puisse aider ceux qui se sentent perdus. Mon addiction au jeu n’était pas une faiblesse mais une maladie : j’étais devenu un menteur, un gars mystérieux et nerveux. Attention ! Je ne suis pas devenu un messie qui va sauver tous les addicts au jeu. J’apporte simplement mon témoignage, pour aider ceux qui en ont besoin. »
Son prochain rendez-vous se tiendra le 1er décembre, au restaurant Le Baroni, à Soumagne. Une date qu’il aborde avec la même détermination : partager pour que d’autres ne sombrent pas.
Le parcours de Jean-Michel Kowalski n’est pas celui d’un miraculé, mais celui d’un homme qui a décidé de ne plus fuir. Il porte les traces de ses erreurs, mais aussi la force de ceux qui refusent de s’y résigner. Son témoignage, qu’il offre aujourd’hui sans filtre, rappelle que l’addiction est une maladie, pas un choix. Une maladie qui détruit, mais qui peut se traiter.

