Berck : le casino change de main
Berck vient de tourner une page décisive de son histoire. Après plus de trente ans de gestion par Partouche, le casino municipal s’apprête à changer de mains. Cette transition, attendue mais traversée de tensions judiciaires, annonce une transformation profonde de l’établissement.
Un vote municipal sous haute tension
Lundi soir, lors d’un conseil municipal particulièrement scruté, les élus de Berck ont tranché : dès le 1er janvier 2026, la gestion du casino sera confiée au groupe belge Infiniti Casino.
Le maire, Bruno Cousein, a rappelé que quatre dossiers avaient été retirés au moment de l’appel d’offres, mais qu’une seule candidature conforme a été déposée. Cela a conduit la commune à retenir sans ambiguïté l’offre du casinotier belge, appartenant notamment à la SA Grand Casino de Dinant.
Cette décision n’a rien d’anodin. Elle survient après plusieurs années de contentieux opposant la ville au groupe Partouche, exploitant historique. La justice administrative avait déjà reconnu, à deux reprises, que les conditions des précédents appels d’offres favorisaient trop largement Partouche, propriétaire du bâtiment. La SA Grand Casino de Dinant, filiale d’Infiniti Casino, avait alors obtenu l’annulation des deux procédures.
Ces différents rebondissements ont poussé l’affaire jusqu’au Conseil d’État, qui a tranché en juillet : le bâtiment du casino reviendra dans le patrimoine de Berck le 1er janvier 2026, en application du principe de bien de retour.
Alors que l’avenir s’organise avec Infiniti Casino, le groupe Partouche — présent à Berck depuis 34 ans — conteste toujours la décision. Lundi, il a mis en demeure la ville de ne pas délibérer sur le nouvel exploitant, évoquant de possibles indemnités lourdes. Le conflit se poursuit devant les tribunaux. Partouche a assigné la ville en référé devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer pour le 3 décembre, afin d’interdire toute signature d’acte notarié. En réponse, la municipalité saisira le juge administratif pour faire respecter les décisions antérieures.
Un contrat inédit et des engagements colossaux
Deux longues réunions de négociations ont été menées en octobre entre la municipalité et le futur exploitant. Le contrat prévoit notamment :
- 426 500 € de redevance fixe dès la première année, indexée à 2 %
- 15 % du produit brut des jeux
- 50 000 € de contribution à un projet public
- 90 000 € de contributions directes pour la culture, les associations et l’attractivité
- La réfection complète de la toiture, évaluée à 500 000 €, prise en charge par l’exploitant
Infiniti Casino prévoit de transformer en profondeur l’établissement. Au total, 7,9 millions d’euros seront injectés, dont :
- 6,5 millions pour moderniser le casino,
- 900 000 € pour redéployer totalement le restaurant.
L’offre de jeux sera revue et dynamisée : 100 machines à sous, 22 postes de roulette électronique, 3 tables de blackjack. Le restaurant, lui, proposera 60 couverts, une carte locale et une ouverture quotidienne.
“C’est un niveau d’engagement sans précédent,” a salué Bruno Cousein.
Une reprise intégrale des contrats
La question sociale était l’un des points les plus sensibles du dossier. Les 40 salariés actuels seront repris, sans perte de droits et avec le maintien d’un organigramme structuré et lisible. Une réunion spécifique sera organisée prochainement afin de répondre aux interrogations persistantes du personnel.
Parmi les employés présents dans le public du conseil municipal, l’émotion était palpable. Gladys Bequelin, représentante du personnel, a confié :
“Nous sommes dans l’incertitude depuis longtemps, on se pose des questions. Ce soir, on a eu de premières réponses, on sait où on en est et où on va. On sait qu’une page se tourne pour nous, mais tout devrait bien se passer.”
Les dirigeants belges confiants
Présents à Berck, Jurgen De Munck, président d’Infiniti Casino, et Koen De Wispelaere, directeur financier, n’ont pas caché leur satisfaction. Ils ont rappelé que leurs recours n’avaient fait qu’appliquer la loi et que la situation de Berck n’était pas unique, soulignant que la commune y gagnerait un loyer pérenne et un bâtiment modernisé.
“Nous n’avons fait que faire appliquer la loi. Berck n’est pas la première ville à avoir ces problèmes et c’est une bonne chose pour la commune qui récupère un bâtiment pour lequel elle va percevoir un loyer. Les choses se font dans l’intérêt public.”
Le groupe, fort de ses casinos à Ostende, Dinant, Grasse, Mexico ou encore Acapulco, voit dans Berck une étape décisive de son implantation en France. Le casino deviendra son deuxième établissement en France, après Grasse.
Ce changement de concession n’est pas un simple passage de relais. Il redessine l’avenir du casino, l’un des moteurs touristiques et économiques de Berck. Entre investissements massifs, ambitions internationales et bataille judiciaire persistante, la ville se trouve à la croisée des chemins.

