La BofA sonne l’alerte sur les marchés de prédiction
L’essor fulgurant des marchés de prédictions, plateformes en ligne permettant de parier sur l’issue d’événements réels comme des matchs sportifs, des élections ou des faits divers, suscite une inquiétude croissante. Dans une note récente, la Bank of America (BofA) met en garde contre les dangers financiers qu’ils représentent, tant pour les particuliers que pour les prêteurs.
Un marché en pleine explosion
Depuis la levée de l’interdiction fédérale sur les paris sportifs, les plateformes de prédiction comme Kalshi ou Polymarket connaissent une montée en flèche. Selon la BofA, le volume des transactions mensuelles sur ces marchés a franchi des milliards de dollars, alimenté par des interfaces mobiles séduisantes et des mécanismes conçus pour encourager la mise d’argent.
Ces plateformes, d’apparence moderne et rassurante, brouillent les repères. Ce qui semblait relever de la spéculation financière s’apparente de plus en plus à un jeu de hasard, où la tentation de gains rapides incite à des mises répétées, souvent disproportionnées.
Un risque caché et croissant
La note de la BofA identifie un profil particulièrement vulnérable : les jeunes hommes, souvent avec des revenus modestes, dont la littératie financière est limitée. Dans ces conditions, l’accès facile et le design addictif des plateformes peuvent conduire à des comportements impulsifs, voire compulsifs. Les conséquences sont concrètes : ces utilisateurs peuvent s’endetter via cartes de crédit ou prêts personnels, accroissant le risque de défaut de paiement. Debit, retards, voire faillites personnelles ne sont pas des scénarios improbables.
Un constat d’autant plus alarmant que certaines études académiques montrent des effets structurels durables : dans les États américains autorisant les paris en ligne, le score de crédit moyen chute d’environ 1 % en quatre ans, tandis que le risque de faillite personnelle augmente de 28 % et que les dettes envoyées aux agences de recouvrement grimpent de 8 %. De plus, un sondage cité par la BofA révèle que 1 parieur sur 4 a déjà manqué un paiement de facture en raison de ses pertes — un signal fort de fragilisation financière.
Ce qui inquiète la BofA, ce n’est pas seulement la gestion individuelle des dettes, mais l’impact systémique sur les prêteurs — en particulier ceux qui financent des populations subprime ou à revenus faibles : sociétés de crédit à la consommation, prêteurs étudiants, établissements accordant des prêts personnels.
Ces institutions, historiquement éloignées du risque lié aux jeux d’argent, doivent désormais composer avec une nouvelle réalité : un mélange entre divertissement et finance spéculative, selon les termes mêmes des stratèges de la banque.
Des défauts de remboursement en chaîne, une hausse des créances irrécouvrables, une dégradation du portefeuille de crédits… Autant de menaces qui planent désormais sur le secteur financier traditionnel. Et avec elles, la nécessité de revoir les modèles d’évaluation du risque, jusque-là calibrés sur des bases plus classiques.
Les plateformes défendent leur modèle
Dans le camp adverse, Kalshi et Polymarket revendiquent le statut de bourse réglementée, notamment sous la supervision de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), assurant transparence et encadrement. Pour eux, il ne s’agit pas de jeux d’argent, mais de marchés financiers alternatifs.
Cela n’efface pas toutefois les signaux d’alerte : les pertes massives chez 84 % des utilisateurs, évoquées dans certains rapports, montrent que très peu tirent réellement profit de ces activités — le reste s’expose à des pertes, parfois importantes. Face à cette ambiguïté, les décideurs, régulateurs et prêteurs doivent définir clairement le cadre. Car derrière chaque contrat spéculatif, c’est souvent une personne réelle qui parie plus qu’elle ne peut se le permettre.
Comme le rappelle la BofA, l’accès facile et les interfaces gamifiées encouragent des mises fréquentes et impulsives — un simple avertissement, mais potentiellement le signe avant-coureur d’un problème beaucoup plus vaste.

