Les courses hippiques britanniques en mode grève : 10 septembre sans courses !
Le 10 septembre 2025 ne verra aucun cheval s’élancer sur les pistes britanniques. Cette décision radicale marque un tournant inédit pour le British Horseracing Authority (BHA), qui a déclenché une grève pour protester contre une réforme fiscale qui menace l’avenir du sport. Les hippodromes de Carlisle, Kempton Park, Lingfield Park et Uttoxeter seront vides. Une telle action, insolite pour un secteur habitué à organiser des courses 363 jours par an, illustre toute la gravité de la situation.
Une réforme fiscale naissante : l’étincelle d’une révolte
Le gouvernement envisage de remplacer le système actuel à trois taux de taxation sur les jeux en ligne (Remote Gaming Duty à 21 %, General Betting Duty à 15 % sur les bénéfices, et Pool Betting Duty à 15 % sur les mises) par un régime unique. Une consolidation qui pourrait propulser la taxation des paris hippiques à 21 %, au même niveau que les casinos en ligne.
Pour le BHA, cette harmonisation serait désastreuse. L’organisme alerte sur un risque de perte de 330 millions de livres sur cinq ans, et de 2 752 emplois disparus dès la première année
Une industrie en péril : chiffres et enjeux
La course hippique, deuxième sport le plus populaire en Grande-Bretagne, représente une valeur économique de 4,1 milliards de livres et soutient 85 000 emplois. Le BHA souligne que les revenus issus du Horserace Betting Levy (108 millions de livres en 2024-25) sont essentiels à sa pérennité.
L’augmentation envisagée, loin d’être une simple formalité fiscale, pourrait provoquer des augmentations de prix de la part des bookmakers, des réductions de bonus, une baisse considérable de la publicité, et un basculement vers les paris illégaux (plus lucratifs, moins réglementés).
Une décision inédite pour un message d’urgence
Brant Dunshea, directeur général du BHA, explique que ce « blackout » vise à montrer au gouvernement les conséquences graves d’une telle réforme. Il insiste :
“Les courses hippiques britanniques se trouvent déjà dans une situation financière précaire et des études ont montré qu’une augmentation des taxes sur les courses pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour ce sport et les milliers d’emplois qui en dépendent dans les villes et les communautés à travers le pays. C’est la première fois que les courses hippiques britanniques choisissent de ne pas avoir lieu en raison de propositions gouvernementales. Nous n’avons pas pris cette décision à la légère, mais ce faisant, nous exhortons le gouvernement à reconsidérer cette proposition fiscale afin de protéger l’avenir de notre sport, qui est un élément précieux du patrimoine et de la culture britanniques.”
Jim Mullen, CEO du Jockey Club, appelle à une prise de conscience gouvernementale.
“Notre sport s’est uni aujourd’hui, et en annulant les courses prévues, nous espérons que le gouvernement prendra le temps de réfléchir aux dommages que cette taxe causera à un sport dans lequel notre pays est leader à bien des égards.”
Martin Cruddace, à la tête d’Arena Racing Company (qui gère Lingfield et Uttoxeter), brandit un argument culturel :
“Contrairement aux jeux de casino en ligne, les courses hippiques britanniques apportent une contribution considérable à la société et à l’emploi, présentent des taux de préjudice liés au jeu très différents et ne sont pas disponibles toutes les dix secondes, 24 heures sur 24. Nous avons toujours été taxés et réglementés différemment, et il est impératif pour notre avenir que cela continue. Si le gouvernement souhaite que la Grande-Bretagne soit un leader mondial dans le domaine des casinos en ligne et un pauvre dans un sport qui est au cœur de sa culture, alors l’harmonisation fiscale permettra d’atteindre cet objectif.”
Les parieurs eux aussi concernés
L’Horseracing Bettors Forum (HBF), représentant les parieurs, soutient la grève. Sean Trivass explique que chacun sent que la hausse de taxe ne ferait qu’éroder leur expérience de jeu, via une réduction des mises, des bonus, ou une dégradation des cotes.
Par ailleurs, les détenteurs de billets pour Carlisle, Kempton, Lingfield ou Uttoxeter seront remboursés ou transférés sans frais à des dates ultérieures. Une mesure pour limiter l’impact sur le public.
Alors, que se passera-t-il après cette journée blanche ?
Le 10 septembre doit servir de déclencheur. Une campagne se tiendra simultanément devant le Parlement. Si le bruit fait par cette journée est entendu, le BHA vise une révision du projet, avec maintien d’un statut fiscal spécifique pour le secteur.
Pour l’instant, le gouvernement se présente comme ouvert au dialogue, affirmant qu’il souhaite simplifier le système, non l’alourdir, et invite toutes les parties prenantes à s’exprimer.
Cette grève du 10 septembre est bien plus qu’un arrêt technique. C’est une sortie de pacifisme collectif, un cri d’alarme lancé dans l’espoir que la tradition britannique du sport hippique, qui anime les campagnes comme les centres urbains, ne soit pas étouffée sous une taxe uniforme.
Une mobilisation européenne qui s’enchaîne
Il y a moins d’un an, la filière hippique française vivait un moment historique semblable. Le 7 novembre 2024, les courses ont été suspendues partout en France : les hippodromes sont restés vides, et les paris ont été interrompus pour envoyer un message clair au gouvernement.
Ce geste de protestation était une riposte au projet d’alourdissement fiscal sur les paris hippiques : les mises en points de vente auraient vu leur taux passer de 6,9 % à 7,5 %, et celles en ligne grimper jusqu’à 15 %. Face à cette menace, la filière a fait front, organisée et déterminée.