La croissance paradoxale du marché belge des jeux d’argent
En Belgique, les jeux d’argent connaissent une croissance surprenante. Alors que le pays a interdit toute publicité et renforcé ses règles de régulation, le marché en ligne continue de prospérer, atteignant des niveaux records. Le podcast Right to the Source analyse la question.
Publicité interdite, marché florissant
En Belgique, le secteur des jeux d’argent connaît une croissance inattendue. Depuis juillet 2023, toute publicité pour les paris et les casinos en ligne est interdite à la télévision, à la radio, dans la presse, sur les réseaux sociaux ou encore dans l’espace public. Une politique drastique, censée réduire l’attrait pour le jeu. Pourtant, les chiffres racontent une autre histoire : en 2023, le marché en ligne a progressé, atteignant près d’un milliard d’euros, et devrait dépasser 1,1 milliard d’euros en 2024.
Comment expliquer une telle contradiction ? Selon Robin Harrison et Ed Birkin, la réponse se trouve dans l’économie belge elle-même. Contrairement à d’autres pays européens où l’inflation a grignoté le pouvoir d’achat, la Belgique a indexé salaires et allocations sur l’inflation. Plus de moyens, plus de dépenses, y compris dans le jeu.
Une régulation parmi les plus strictes d’Europe
La Belgique est connue pour son approche rigoureuse vis-à-vis des jeux d’argent. Les autorités n’ont jamais cherché à soutenir le secteur, mais à le contrôler de près. Ces dernières années, les mesures se sont multipliées :
- séparation obligatoire des comptes entre paris sportifs et casinos en ligne ;
- plafonnement des dépôts mensuels ;
- interdiction des bonus et autres incitations ;
- restrictions sévères sur les partenariats sportifs ;
- relèvement de l’âge légal de participation pour certains jeux.
Pour un petit pays, la sévérité est frappante. Certains experts parlent même d’une volonté de pousser l’industrie dans ses retranchements.
Licences
Près de 40 à 50 % des mises des joueurs belges s’effectuent encore sur des sites non autorisés. Une proportion certes inférieure à l’Allemagne, mais comparable aux Pays-Bas. Pourquoi ? Parce que l’offre légale est limitée. Le pays n’accorde que 9 licences de casino en ligne, auxquelles s’ajoutent 30 licences de paris sportifs et 180 licences pour les salles de jeux proposant des jeux de dés.
Pour obtenir une licence, les opérateurs doivent s’adosser à un établissement terrestre. Ce modèle fonctionne très bien en Belgique, mais ne fonctionnerait pas en France, car beaucoup de ses casinos sont de petits casinos indépendants qui pourraient facilement être rachetés par des opérateurs internationaux.
Des acteurs bien établis
Le marché légal belge n’en demeure pas moins dominé par quelques grands noms. Circus (lié à PokerStars) et Napoleon Games contrôlent chacun environ 20 % du marché, suivis par 777 et Star Casino, à hauteur de 16 % chacun. Ensemble, ces opérateurs se partagent la majorité des revenus en ligne. De plus, une étude réalisée par DataSynergy en juin 2025 montre que les joueurs reconnaissent les marques légales plus que les marques illégales.
En 2023, les casinos en ligne régulés ont généré près d’un milliard d’euros, un chiffre comparable à celui de l’ensemble des jeux terrestres (loteries comprises).
L’unicité belge réside dans son mécanisme d’indexation automatique des salaires et allocations. Contrairement à des pays voisins où l’inflation a pesé sur les ménages, en Belgique, les revenus ont suivi la hausse des prix. Résultat : le pouvoir d’achat réel n’a pas diminué, et le jeu a trouvé un terrain favorable.
Entre protection et ouverture
La Belgique illustre le dilemme des régulations européennes : comment protéger les joueurs sans favoriser le marché noir ? Le cas belge montre qu’une politique stricte ne freine pas nécessairement la croissance du secteur. Au contraire, la combinaison d’une régulation ferme et d’un contexte économique particulier a créé un marché dynamique.
Mais l’équilibre reste fragile. Si l’économie ralentit ou si l’offshore prend trop d’ampleur, la tendance pourrait s’inverser. Les prochaines années diront si la Belgique a trouvé un modèle durable ou si elle devra assouplir son approche.