Limite globale de dépôts : quels risques pour les joueurs ?
Depuis plusieurs mois, le débat sur l’instauration de plafonds de dépôts mensuels communs à tous les opérateurs de jeux en ligne fait rage aux Pays-Bas. Si la mesure vise une meilleure protection des joueurs, elle soulève des préoccupations majeures. Problèmes de respect de la vie privée, défis techniques et menaces sur la canalisation vers l’offre légale constituent des freins sérieux à sa mise en œuvre.
Depuis octobre 2024, les Pays-Bas appliquent une limite de dépôt mensuelle par opérateur. Cette approche segmentée, 700 € pour les adultes, 300 € pour les jeunes de 18 à 23 ans, s’est montrée efficace. Mais le gouvernement souhaite aller plus loin : un plafond global interopérable entre tous les opérateurs. Une fois atteint chez l’un, le joueur sera bloqué chez tous.
Le secrétaire d’État Struycken a pris la parole à ce sujet dans l’émission NPO de Radio-1 Langs de Lijn en Omstreken. Bien qu’il soutienne entièrement ce projet, il a déclaré qu’une limite globales allait constituer un défi majeur et qu’il risquait de rentrer en conflit avec le règlement général sur la protection des données (RGPD).
Une violation potentielle de la réglementation RGPD
Depuis 2018 le respect du RGPD est obligatoire aux Pays Bas comme en Belgique. L’instauration système de limite globale impose une collecte centralisée de données personnelles sensibles : identifiants, comportements financiers, informations de dépôt. Ces exigences entrent en conflit avec plusieurs principes du Règlement général sur la protection des données (RGPD) :
- Transparence : les joueurs doivent comprendre qui traite leurs données et pourquoi. Dans un système partagé entre plusieurs opérateurs et une autorité centrale, cette clarté est difficile à garantir.
- Minimisation des données : seules les informations strictement nécessaires doivent être collectées. Or, une surveillance transversale implique une collecte systématique, y compris pour les joueurs sans comportement problématique.
- Durée de conservation : les données ne doivent pas être stockées indéfiniment. Pourtant, un tel système nécessite une conservation prolongée des données financières et comportementales.
Les garanties fondamentales de la vie privée pourraient être compromises par une surveillance aussi invasive, au nom d’un objectif légitime mais peut-être disproportionné.
Défis techniques difficile à relever
Si les obstacles juridiques sont franchissables, la faisabilité technique d’un système centralisé pose problème pour différente raison :
- Échange en temps réel : les données doivent être synchronisées instantanément entre les opérateurs et le régulateur pour éviter tout dépassement. Un écart de quelques secondes peut fausser les limites et entraîner des injustices pour les joueurs.
- Identification unique : le système doit reconnaître chaque joueur de manière unique, ce qui implique un identifiant commun à tous les opérateurs. Cela pourrait être le numéro d’identification nationale, mais cela multiplie les risques en cas de piratage.
- Sécurité informatique extrême : la concentration des données dans une base unique en fait une cible majeure pour les cybercriminels. Il faudra donc mettre en place un système infaillible.
- Compatibilité logicielle : les opérateurs n’utilisent pas tous les mêmes systèmes. Imposer un protocole commun nécessite du temps, des moyens, et expose les petits acteurs à une exclusion de fait.
- Gestion des erreurs : si un joueur est bloqué à tort, il doit pouvoir comprendre pourquoi et corriger rapidement l’erreur. Or, les systèmes automatisés sont souvent opaques.
Menace sur la canalisation vers l’offre légale
Le rapport de la Kansspelautoriteit (Ksa) de février 2025 révèle une canalisation correcte en termes de joueurs (91 % jouent sur des sites légaux), mais inquiétante en termes de volumes financiers : près de 50 % de l’argent misé filerait vers le marché noir.
Et les chiffres empirent. Selon le Keurmerk Verantwoorde Affiliates (KVA) :
- En octobre 2024, 19 sites illégaux attiraient 172 000 visiteurs mensuels sur des requêtes comme “casino sans Cruks”.
- En février 2025, ce chiffre bondit à plus de 410 000.
- En mars 2025, le trafic global vers les sites illégaux dépasse le million de visites mensuelles.
Ces campagnes ciblent précisément les joueurs frustrés par les limites imposées dans le circuit légal. Si les restrictions deviennent trop lourdes, ces joueurs seront encore plus nombreux à fuir vers des plateformes non réglementées, souvent situées à l’étranger, où la protection du consommateur est inexistante.
Une limite globale aussi en Belgique ?
Le sujet d’une limite globale a aussi été invoqué en Belgique. Selon le centre Flamand de l’expertise sur l’alcool et les autres drogues (VAD) une limite globale est nécessaire pour que les joueurs ne puissent plus créer des comptes auprès de différents opérateurs pour pouvoir jouer plus que les 200€ de limite hebdomadaire. Toutefois les experts de l’iGaming, quant à eux, affirment que ce serait le meilleur moyen de pousser encore plus les joueurs vers l’offre illégale.
Si la Belgique impose une limite globale, elle se retrouvera face aux mêmes difficultés que les Pays-Bas. Pour l’instant aucune décision n’a été prise en ce sens.