Web3 : l’ANJ lance l’offensive anti-blanchiment
Les enjeux liés au blanchiment d’argent touchent désormais un nouveau territoire : celui du Web3 et des jeux numériques. Après avoir renforcé le contrôle dans les établissements de jeux traditionnels, les autorités françaises s’attaquent aujourd’hui aux Jeux à Objets Numériques Monétisables (JONUM). L’Autorité nationale des jeux (ANJ), la Direction générale du Trésor et Tracfin ont lancé une initiative commune pour préparer ce secteur émergent à l’application du dispositif anti-blanchiment.
Un secteur en pleine mutation sous l’œil des régulateurs
La surveillance des flux financiers dans les casinos est une pratique ancienne. Chaque transaction suspecte doit être signalée à Tracfin, une procédure qui a permis de limiter les risques d’infiltration criminelle. Aujourd’hui, cette même logique est transposée au Web3. Les JONUM, qui permettent de monétiser des objets numériques, posent des défis similaires : forte liquidité, anonymat relatif des joueurs et rapidité des transactions.
Nés dans le sillage de la loi sur la sécurisation et la régulation de l’espace numérique (SREN), les JONUM sont au cœur d’un dispositif juridique expérimental. Ils consistent à monétiser des objets numériques (souvent liés à des jeux vidéo ou à des plateformes immersives) et posent de nouvelles questions en matière de régulation.
Dès le début de l’année 2026, ce cadre légal devrait être pleinement opérationnel. Les entreprises concernées devront alors appliquer les mêmes obligations anti-blanchiment que celles imposées aux secteurs plus traditionnels, comme les banques ou les casinos.
Une coopération renforcée contre la fraude
La rencontre organisée par l’ANJ illustre un mouvement plus large : la volonté des pouvoirs publics d’unir leurs forces. Tracfin, organe spécialisé dans la détection des flux financiers suspects, a insisté sur l’importance de la coopération interinstitutionnelle.
Le secteur des jeux, qu’il soit traditionnel ou numérique, est considéré comme sensible. Les transactions rapides, les montants variables et parfois la difficulté à identifier les utilisateurs en font un terrain propice aux tentatives de blanchiment. Les JONUM, par leur dimension numérique et décentralisée, renforcent ce risque.
Les partisans du Web3 voient dans ces dispositifs une étape incontournable pour asseoir la crédibilité du secteur. Sans règles claires, les entreprises peinent à convaincre les investisseurs institutionnels. Mais à l’inverse, un excès de contraintes pourrait étouffer la créativité d’un domaine encore fragile.
Pourquoi agir dès maintenant, alors que le cadre complet ne sera applicable qu’en 2026 ? Parce que le temps joue un rôle clé. L’accompagnement préventif doit permettre aux entreprises du Web3 d’intégrer progressivement les exigences de conformité. L’idée est d’éviter un choc réglementaire qui pourrait freiner l’innovation ou pousser certains acteurs à se détourner du marché français.
Un signal adressé à l’international
Au-delà des frontières françaises, cette initiative est observée de près. De nombreux pays cherchent à encadrer les cryptoactifs, les NFT et désormais les objets numériques monétisables. La France, en anticipant l’application de règles anti-blanchiment, envoie un signal clair : elle veut rester un acteur de premier plan dans la régulation du numérique.
Le succès de cette démarche pourrait servir de modèle à d’autres États européens et renforcer le poids de la France dans les négociations internationales. Car dans un espace numérique globalisé, aucune réglementation ne peut fonctionner de manière isolée.
La lutte contre le blanchiment d’argent ne connaît plus de frontières : après avoir marqué le terrain des casinos, elle s’étend désormais au Web3. L’ANJ, Tracfin et le Trésor orchestrent cette transition en préparant le secteur des JONUM à intégrer un dispositif rigoureux dès 2026.