Jeux & suicide : un joueur sur trois touché aux Pays-Bas
Aux Pays-Bas, l’addiction au jeu ne reste plus un problème discret. Une étude récente révèle qu’un tiers des personnes souffrant de graves problèmes de jeu ont déjà eu des pensées suicidaires. Face à ces chiffres alarmants, chercheurs, professionnels de la santé mentale et victimes tirent la sonnette d’alarme.
Des chiffres édifiants : 1 sur 3 concerné
Ruth van Holst, experte en addictions comportementales aux Pays-Bas, dirige un rapport selon lequel un tiers des personnes interrogées souffrant de problèmes de jeu graves ont déjà eu des pensées de suicide. Dans les récits recueillis, la perte financière, l’éloignement familial, l’effondrement du quotidien apparaissent comme déclencheurs souvent soudains. Un simple revers, une grosse perte, peuvent suffire pour que le gouffre mental s’ouvre.
Le contexte : légalisation de l’accès, hausse des cas
Depuis l’ouverture du marché des jeux en ligne aux Pays-Bas le 1er octobre 2021, les professionnels observent une nette augmentation du nombre de personnes traitées pour addiction au jeu. En 2023, près de 2 500 personnes ont été prises en charge pour ce type de problème, soit une hausse d’environ 24 % par rapport à 2022.
Parmi elles, 88 % sont des hommes, la moyenne d’âge est de 35 ans, et 17 % des patients ont moins de 25 ans. Ces jeunes sont particulièrement vulnérables : plus exposés aux offres en ligne, aux publicités, aux effets addictifs des plateformes numériques. L’addiction au jeu devient pour beaucoup non seulement un fléau personnel, mais aussi social : dettes, isolement, troubles psychologiques.
Facteurs déclencheurs : impulsivité, perte, solitude
Parmi les éléments souvent cités dans l’étude : l’impulsivité, surtout chez les jeunes, la croyance qu’une victoire peut tout changer, les pertes financières lourdes répétées, et le sentiment de honte ou d’échec. Ces facteurs s’enchaînent et peuvent mener à un état de désespérance extrême.
Ruth van Holst note que les pensées suicidaires peuvent surgir brusquement après une grosse perte, et que ce genre de moment peut être un déclencheur très fort. Luuk dans son témoignage confirme : le déclencheur n’est pas toujours long à se produire, mais la chute psychologique l’est souvent.
Les experts estiment que chez les personnes avec addiction au jeu, le risque de suicide est jusqu’à quinze fois supérieur à celui de la population générale. Cette estimation place l’addiction aux jeux parmi les addictions les plus dangereuses, au-delà de beaucoup d’addictions aux substances lorsqu’il s’agit de conséquences psychologiques extrêmes.
Il ne s’agit pas seulement de chiffres abstraits. Beaucoup de personnes luttent en silence, sans reconnaître leur souffrance ni demander de l’aide. Le stigma, la peur du jugement, la honte des dettes – tous ces éléments retardent la prise en charge.
Une urgence de santé publique
Les données sont sans appel : une partie significative des personnes avec addiction au jeu ont déjà été confrontées à des pensées suicidaires. L’association de la légalisation des jeux en ligne, de l’isolement, des pertes financières et du déni de la souffrance forme un cocktail à haut risque.
Le défi est désormais multiple : renforcer les régulations, garantir l’accès à des soutiens psychologiques efficaces, et surtout changer le regard porté sur les addictions comportementales. Car au-delà des pertes matérielles, ce sont des vies qui sont en jeu.