Casinos en ligne : le gouvernement français recule face aux critiques
Ce dimanche, le gouvernement français a décidé de mettre en suspens le projet controversé d’autoriser les casinos en ligne. Après plusieurs jours de débat, le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a annoncé le retrait d’un amendement initialement prévu dans le projet de budget 2025 qui aurait ouvert la voie à la légalisation des casinos en ligne en France. Une mesure qui avait suscité des réactions vives de la part de nombreux acteurs, notamment les casinos physiques, les élus locaux et des associations de protection de la santé publique.
Une décision face à une opposition grandissante
L’annonce a été faite par Laurent Saint-Martin sur les ondes de Radio J, où il a expliqué que le gouvernement avait entendu les critiques.
«Il était question que le gouvernement dépose un amendement. Ce n’est plus le cas. Je crois qu’il nous faut d’abord travailler entre nous.»
Laurent Saint-Martin, ministre du Budget
Le ministre indique également que l’absence de concertation justifiait ce retrait.
Déposé initialement le samedi 19 octobre, l’amendement aurait permis l’autorisation des casinos en ligne par ordonnance et défini un cadre de taxation pour ces nouveaux acteurs. Si le gouvernement avait choisi de pousser cette réforme, la France aurait mis fin à une des réglementations les plus restrictives de l’Union européenne dans le domaine des jeux d’argent en ligne. Actuellement, seuls les paris sportifs, les paris hippiques et le poker sont autorisés en ligne et strictement encadrés en France, qui reste avec Chypre l’un des rares pays européens interdisant les casinos en ligne.
Les casinos physiques en première ligne contre la mesure
Les établissements de jeux physiques, qui craignaient une baisse massive de leur fréquentation et de leur chiffre d’affaires, ont exprimé leur soulagement suite à l’annonce du retrait de l’amendement. Selon Grégory Rabuel, président de Casinos de France et directeur général du groupe Barrière, l’autorisation des casinos en ligne aurait pu entraîner des «conséquences catastrophiques» pour l’industrie des casinos terrestres.
«L’ouverture à la concurrence du casino en ligne entraînera une baisse du produit brut des jeux des casinos terrestres de 20 à 30%, et la fermeture de 30% des établissements.»
Grégory Rabuel, président de Casinos de France, dans une interview pour Les Échos.
Ce projet, selon lui, risquait de précipiter des milliers d’emplois vers la précarité. En effet, les estimations avancées par les représentants des casinos prévoient jusqu’à 15 000 pertes d’emplois si les casinos en ligne étaient légalisés sans une concertation rigoureuse avec les parties prenantes. Cette préoccupation n’est pas passée inaperçue, car de nombreux élus locaux partagent cette vision alarmiste.
Les élus locaux approuve
Outre les voix du secteur, le retrait de l’amendement a été applaudi par plus d’une centaine de maires qui s’étaient mobilisés pour exprimer leurs inquiétudes. Ces élus, principalement issus de communes abritant des casinos physiques, avaient signé une tribune adressée au gouvernement, soulignant les dangers économiques et sociaux d’une telle légalisation. Ils estimaient que l’autorisation des casinos en ligne pourrait entraîner la disparition d’un tiers des casinos français, menaçant directement l’économie locale et les recettes fiscales des communes.
Les maires ont rappelé que les casinos jouent souvent un rôle majeur dans l’activité économique de certaines villes, générant des recettes fiscales qui servent à financer des services publics locaux.
«Je comprends qu’il y ait un besoin de nouvelles recettes fiscales, mais là, c’est une fausse bonne idée.»
Philippe Bon, délégué général de Casinos de France, dans un entretien au Figaro.
Risque d’addiction
L’opposition au projet ne s’est pas limitée aux élus locaux et aux casinos physiques. La Fédération Addiction, une organisation de protection de la santé publique, a également tiré la sonnette d’alarme, invoquant les risques d’addiction associés aux jeux en ligne. La fédération a souligné que les casinos en ligne, en raison de leur accessibilité accrue et de leur nature interactive, sont considérés parmi les jeux les plus addictifs. Elle a insisté sur la nécessité d’encadrer ces pratiques avec une régulation stricte, dans l’intérêt de la santé publique.
Concertation nécessaire
Laurent Saint-Martin a indiqué que le gouvernement ne comptait pas renoncer définitivement à l’idée de légaliser les casinos en ligne, mais a insisté sur l’importance de la concertation avant de proposer une telle réforme.
«Je suis très vigilant sur ce sujet-là. Il ne faut pas faire d’erreurs. Il ne faut pas que cela pénalise un certain nombre d’acteurs, notamment les casinos physiques.»
Laurent Saint-Martin
Il ajoute que toute décision devrait être précédée d’un dialogue approfondi avec les ministres et acteurs concernés.
Il a également laissé la porte ouverte pour une éventuelle reprise des discussions dans le futur. Interrogé sur un report de la mesure à l’année prochaine, le ministre a simplement répondu : «on verra». Toutefois, il a précisé que si cette légalisation devait être réintroduite, elle le serait dans un cadre strictement encadré pour garantir une fiscalité adéquate et un contrôle des phénomènes d’addiction.
Des réactions contrastées dans l’industrie
La décision de retrait a reçu un accueil positif du côté des casinos physiques, mais elle a été accueillie avec frustration par l’Association française des jeux en ligne (AFJEL). Cette organisation, qui regroupe les opérateurs de jeux en ligne, a affirmé «prendre acte» de la décision du gouvernement, tout en appelant celui-ci à ne pas reporter indéfiniment le débat sur la régulation des casinos en ligne.
«Il y a une solution à imaginer collectivement, qui permettrait à l’ensemble des protagonistes (casinos terrestres, opérateurs agréés, élus…) de bâtir un modèle gagnant pour tous, tout en assurant une meilleure protection des joueurs et en fournissant des revenus fiscaux et sociaux nouveaux pour la collectivité.»
l’AFJEL dans un communiqué.
La suspension du projet d’autorisation des casinos en ligne en France témoigne d’une prudence politique face aux enjeux économiques, sociaux et de santé publique liés à cette industrie. Le gouvernement, en reculant pour le moment, semble avoir entendu les préoccupations des acteurs locaux et des associations de santé, tout en indiquant sa volonté de continuer les discussions. Si l’autorisation des casinos en ligne pourrait ouvrir des perspectives fiscales intéressantes pour la France, le besoin d’une régulation équilibrée et d’un consensus entre les parties prenantes demeure crucial.