Cresus Casino : la fin d’un empire illégal
C’est la fin d’un empire du jeu en ligne illégal. Derrière le succès apparent de Cresus Casino, un réseau tentaculaire de sociétés offshore a généré près d’un milliard d’euros en toute illégalité. L’arrestation à Paris de deux dirigeants français révèle les coulisses d’un système aussi lucratif qu’illicite.
L’empire s’effondre à Paris
Le rideau est tombé sur l’un des plus vastes réseaux de jeux d’argent en ligne illégaux d’Europe. Deux ressortissants français, dirigeants présumés du site Cresus Casino, ont été arrêtés puis placés en détention provisoire à Paris. Ils sont accusés d’avoir bâti, depuis 2021, un empire numérique générant près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, dissimulé derrière des sociétés-écrans et des licences étrangères douteuses.
Derrière une façade de luxe et de promesses de gains rapides, un système d’une redoutable efficacité avait été mis sur pied.
Un réseau tentaculaire dissimulé dans les paradis fiscaux
Selon les premiers éléments de l’enquête, Cresus Casino était exploité via deux sociétés basées à Curaçao et Chypre, territoires bien connus pour leurs législations souples en matière de jeux d’argent. Ce montage aurait permis aux dirigeants de contourner les régulations européennes, tout en donnant à leurs plateformes une apparence de légalité.
Mais derrière le décor clinquant se cachait une organisation opaque. Des sites miroirs étaient créés dès qu’un domaine était bloqué par les autorités, permettant à l’activité de perdurer sous de nouvelles adresses. Les flux financiers, eux, transitaient par une mosaïque de comptes bancaires en République tchèque, à Chypre et dans d’autres juridictions offshore.
Les enquêteurs du Service central des courses et jeux (SCCJ) et de l’Office anti-cybercriminalité (Ofac), mandatés par la Junalco (Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée), ont retracé ces circuits sur plus d’un an. L’analyse de plusieurs comptes bancaires aurait révélé la trace de 92,6 millions d’euros de virements suspects entre février 2022 et mai 2025.
L’enquête française a mis au jour au moins quatre autres plateformes opérant sous la houlette de Cresus Casino : Jackpot Bob, Lucky 8, Casino Privé et Olympe Casino. Toutes utilisaient le même mode opératoire : licences étrangères, serveurs dissimulés et campagnes publicitaires ciblées. Ces sites ont accumulé plus d’un million de visites mensuelles, selon la procureure, dont 98 % en provenance de France. Un chiffre qui illustre la portée du phénomène et la facilité avec laquelle les joueurs français pouvaient accéder à ces offres pourtant interdites.
Un milliard d’euros, un business sans licence
L’Autorité nationale des jeux (ANJ) avait pourtant, dès juin 2024, ordonné le blocage de cresuscasino.com après de multiples signalements. Mais les mises en demeure restaient lettre morte. Dès qu’un site fermait, un autre réapparaissait.
La procureure décrit un écosystème complet : marketing agressif, influenceurs rémunérés, affiliations et publicités ciblées sur les réseaux sociaux. Une mécanique huilée, visant principalement les joueurs francophones, parfois attirés par des promesses de bonus faramineux et de retraits instantanés. En réalité, les témoignages de victimes racontent une autre histoire : gains jamais versés, comptes bloqués et dépôts impossibles à récupérer.
Parmi les centaines de plaintes recensées, certaines évoquent de véritables drames financiers. Des particuliers, croyant jouer sur un site légal, ont perdu plusieurs milliers d’euros sans recours possible. En 2022-2023, les dépôts enregistrés sur Cresus et ses sites associés atteignaient 237 millions d’euros, selon les autorités.
Déjà dans le viseur de la Belgique
Ce n’est pas la première fois que Cresus Casino attire l’attention des autorités. Dès 2015, la Commission des Jeux de Hasard (CJH) en Belgique avait placé le site sur sa liste noire. Cette inscription signifie que l’accès doit être bloqué par les fournisseurs d’accès belges et que tout joueur y participant s’expose à des sanctions administratives.
Des sanctions exemplaires à venir
Les deux dirigeants mis en examen encourent de lourdes peines : jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende pour blanchiment d’argent en bande organisée, ainsi que plusieurs années de prison pour offre illégale de jeux d’argent, publicité interdite et participation à une organisation criminelle.
L’arrestation des dirigeants de Cresus Casino marque peut-être la fin d’une époque, celle où les opérateurs illégaux prospéraient dans les zones grises du numérique. L’ANJ, la CJH et leurs homologues européens travaillent désormais à une régulation commune plus stricte, appuyée sur des outils de blocage renforcés et des sanctions dissuasives.