Endettement à cause des paris : une peur exagérée ?
Les paris sportifs en ligne sont-ils vraiment une menace pour la stabilité financière des ménages ? Alors que plusieurs études avaient alerté sur un risque accru d’endettement et de faillites, une nouvelle recherche américaine vient bouleverser ce constat.
Une analyse inédite du Progressive Policy Institute
Depuis plusieurs années, les paris sportifs en ligne suscitent une inquiétude croissante chez les économistes et les régulateurs. La crainte est simple : ces pratiques risqueraient d’entraîner une explosion des dettes personnelles, une dégradation des scores de crédit et, dans les cas les plus graves, des faillites individuelles.
Mais une nouvelle étude vient bousculer ce discours dominant. Contrairement à une série de recherches précédentes, elle affirme que la légalisation des paris sportifs ne se traduit pas par une vague de surendettement. Alors, faut-il revoir notre perception des risques liés aux jeux d’argent en ligne ?
Le Progressive Policy Institute (PPI), un think tank basé à Washington, a décidé d’aller au-delà des avertissements alarmistes. Ses chercheurs ont passé au crible les données financières des joueurs dans plusieurs États américains ayant légalisé les paris sportifs en ligne dès 2019, comme le New Jersey, la Pennsylvanie, le Michigan ou encore l’Illinois.
Leur constat est surprenant : aucun lien significatif n’a été établi entre la légalisation des paris sportifs et une hausse des faillites personnelles ou une baisse généralisée des scores de crédit.
Michael Mandel, vice-président et économiste en chef du PPI :
“Le jeu compulsif est un problème réel, et les décideurs politiques doivent veiller à ce que des ressources et des mesures de protection soient mises en place. Cependant, les données montrent que pour la plupart des gens, les paris sportifs en général n’ont pas causé de préjudice financier systémique. Au contraire, ils stimulent l’économie et offrent une autre forme de divertissement à la population.”
Les chiffres révèlent un recul : dans les États précurseurs, le nombre de faillites a chuté de 40 % entre 2019 et 2024, contre 34 % au niveau national et 36 % dans les États ayant rejoint la légalisation plus tardivement.
Côté crédit, la tendance est similaire. Les scores moyens ont progressé de 1,8 %, un rythme en phase avec la moyenne nationale.
“Les paris sportifs s’inscrivent dans une tendance plus large de dépenses discrétionnaires axées sur l’expérience, comme les voyages, les spectacles ou les interventions esthétiques,” explique Mandel. “Les paris sont devenus davantage une expérience dont les gens tirent plus de plaisir que d’autres biens matériels.”
Quand les chiffres s’opposent aux discours alarmistes
Ces résultats contrastent fortement avec une autre étude réalisée par l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) et l’Université de Californie du Sud (USC). Cette dernière concluait que l’essor des paris sportifs avait eu un effet négatif sur les finances des ménages, contribuant à des baisses de scores de crédit et à des faillites supplémentaires.
Alors, qui croire ? Pour le PPI, les analyses précédentes souffraient d’un biais temporel. Elles prenaient en compte la période de la pandémie de Covid-19 et la flambée inflationniste qui l’a suivie, deux événements ayant lourdement pesé sur les finances des ménages, indépendamment du jeu en ligne :
“Les données du Conseil national sur le jeu compulsif (NCPG) suggèrent que l’intensité des paris sportifs a augmenté pendant la pandémie et a diminué depuis lors.”
Une industrie sous surveillance
Les conclusions du PPI ne signifient pas pour autant que les paris sportifs soient sans danger. Des témoignages émergent déjà sur des joueurs ayant vidé leurs comptes d’investissement pour financer leurs mises. Ces cas, bien que minoritaires, rappellent que l’addiction reste une réalité.
Le think tank lui-même reconnaît que les résultats positifs des États pionniers pourraient aussi s’expliquer par des cultures financières plus solides ou des cadres réglementaires mieux établis. Autrement dit, l’impact réel des paris sportifs dépend peut-être davantage de la protection des consommateurs que du jeu en lui-même.
Une question ouverte pour les décideurs
La publication du PPI soulève une interrogation essentielle : faut-il revoir la régulation du marché des paris sportifs ? Certains législateurs, partisans de restrictions plus strictes, pourraient voir dans cette étude un argument à relativiser leurs inquiétudes. D’autres, au contraire, rappellent que la prudence reste de mise tant que les effets à long terme ne sont pas totalement connus.