Interview exclusive : Magali Clavie (CJH) revient sur les récents changements dans la loi
Dans une interview exclusive avec Gambling Club, Magali Clavie, présidente de la Commission des jeux de hasard, évoque les récents changements de la législation belge sur les jeux de hasard et ce que cela signifie pour les joueurs et les opérateurs. De l’interdiction des bonus à la lutte contre les sites de jeux de hasard illégaux, Elle nous donne un aperçu des défis et des opportunités au sein du secteur des jeux de hasard en Belgique.
Le 1er septembre est derrière nous, il y a eu un certain nombre de changements majeurs tels que l’interdiction des bonus, l’interdiction de plusieurs activités sur le même site Web et l’augmentation de l’âge minimum. Quel regard portez-vous sur tout cela ?
Il s’agit d’une loi qui est en préparation depuis quelques années. Le texte contient quelques mesures utiles pour protéger le joueur, mais laisse également une marge d’interprétation, ce qui crée des difficultés dans son application, notamment pour l’interdiction des bonus.
Certains sites Web proposant des jeux de hasard ont été divisés. Les jeux de casino et les paris ne sont désormais plus disponibles sur la même plateforme, et les joueurs doivent créer un compte distinct pour chaque plateforme.
L’âge minimum a été fixé à 21 ans pour tous les jeux de hasard, à l’exception des jeux de hasard proposés par la Loterie nationale. La Commission des jeux de hasard était favorable à une égalisation de l’âge. Nous savons que les adolescents et les jeunes adultes sont naturellement plus enclins à adopter des comportements à risque, ce qui pourrait se traduire par des comportements problématiques de jeu plus tard lors des jeux de hasard. Il est seulement regrettable que ce durcissement, tout comme la réglementation sur la publicité, ne s’applique pas à la Loterie nationale, du moins lorsqu’elle propose des jeux similaires.
La nouvelle loi interdit les appareils dits « 3.3 ». C’est une bonne chose, car ces appareils tombaient auparavant sous une disposition d’exemption qui ne visait en réalité que les jeux de cartes et les jeux de société. Nous demandions clairement cette suppression. Ces appareils étaient très accessibles et se trouvaient souvent dans des lieux où se réunissaient de nombreux jeunes.
Avez-vous constaté une résistance de la part des opérateurs et êtes-vous satisfait du respect de cette mesure ?
Les opérateurs ont exprimé des doutes et des critiques sur certaines mesures, craignant qu’elles n’affaiblissent plutôt que ne renforcent la protection des joueurs en rendant leurs offres moins attractives que celles des sites illégaux. Ils déplorent également la discrimination par rapport à la Loterie nationale. Ce faisant, ils ont généralement pris les mesures nécessaires pour être en règle.
Un autre point de friction était le fait que la période de transition pour l’entrée en vigueur des nouvelles règles a été très courte, y compris pour la scission des sites Web et l’adaptation de toutes les machines de jeu dans les cafés. Cela a entraîné des difficultés dans la mise en œuvre rapide des mesures.
Protection des joueurs
Comment la Commission des jeux de hasard évalue-t-elle l’efficacité des récentes mesures de protection des joueurs ?
Il est encore trop tôt pour pouvoir évaluer l’impact des mesures sur le comportement des joueurs.
La scission des plateformes en ligne nous préoccupe déjà. Alors qu’un joueur avait auparavant un compte chez un opérateur qui proposait à la fois des jeux de casino et des paris, il doit désormais en avoir plusieurs pour pouvoir utiliser les différents services. Cela signifie également que le joueur obtient une nouvelle limite de dépôt hebdomadaire de 200 € pour chaque compte supplémentaire. Il existe donc un risque que cette mesure soit contreproductive.
« Il est encore trop tôt pour pouvoir évaluer l’impact des mesures sur le comportement des joueurs. »
Est-il prévu de prendre des mesures supplémentaires dans le domaine de la protection des joueurs ?
À partir de 2026, des contrôles d’identité seront également exigés pour les paris sportifs proposés dans les kiosques à journaux. Par conséquent, les joueurs exclus qui sont inclus dans l’EPIS ne pourront plus s’y rendre non plus.
Il existe encore diverses possibilités pour mieux protéger les joueurs. Par exemple, il n’existe pas encore de réglementation supplémentaire pour les jeux d’argent en ligne. La Commission des jeux de hasard a publié 10 recommandations que le futur gouvernement pourra utiliser lors de l’élaboration de cette réglementation.
Offre illégale
Comment la Commission des jeux de hasard évalue-t-elle l’évolution récente du degré de canalisation du marché belge des jeux de hasard ?
La lutte contre les fournisseurs illégaux ciblant les utilisateurs belges reste l’une de mes priorités. Depuis ma nomination en 2020, notre liste noire de sites Web bloqués est passée de 173 à 533. En plus de ces sites Web bloqués, il existe des dizaines de sites Web qui ont spontanément bloqué l’accès depuis la Belgique via la géolocalisation après que nous leur ayons envoyé une mise en demeure.
Des mesures réglementaires ou législatives doivent également être prises pour empêcher que de l’argent ne soit déposé sur des sites Web illégaux. Une coopération entre le secteur bancaire est également nécessaire.
« La lutte contre les fournisseurs illégaux ciblant les utilisateurs belges reste l’une de mes priorités. »
L’interdiction de la publicité rend très difficile pour les opérateurs légaux de mettre un terme à l’abondance de publicités provenant de fournisseurs illégaux. Comment luttez-vous contre ce phénomène ?
Nous travaillons avec de grandes entreprises technologiques telles que Meta et Google auxquelles nous pouvons signaler les publicités de fournisseurs illégaux, qu’ils suppriment ensuite de leurs plateformes. Ce type de collaborations en est encore à ses balbutiements mais semble donner de bons résultats. Cela reste cependant une véritable tâche de Sisyphe !
Une étude menée par Ipsos a révélé que plus d’un joueur sur trois ne fait pas vraiment la différence entre les offres légales et illégales. Comment voulez-vous garantir un taux de canalisation plus élevé vers les offres légales ?
D’une part, les sites Web légaux doivent pouvoir rester attractifs avec comme priorité la protection des joueurs. D’autre part, nous devons continuer à informer et à répéter la différence entre les offres légales et illégales et les risques de ces dernières.
Est-il prévu de collaborer avec les banques, par exemple, dans la lutte contre les offres illégales ? De nombreux fournisseurs illégaux acceptent des méthodes de paiement belges spécifiques telles que Bancontact.
Les banques et les fournisseurs de paiement peuvent jouer un rôle très précieux dans la protection des joueurs. Malheureusement, il n’existe actuellement aucune disposition légale permettant de faire usage de ces possibilités. Cela me semble être l’un des défis les plus importants à court et moyen terme.
- Les banques pourraient par exemple contribuer à bloquer les transactions vers des opérateurs illégaux.
- Une bonne coopération avec les banques peut également renforcer la protection contre le blanchiment d’argent.
Supervision et sanctions
Quelles mesures la Commission des jeux de hasard prend-elle pour détecter et bloquer efficacement les sites de jeux illégaux, et quels sont les plus grands défis à cet égard ?
La Commission des jeux de hasard surveille en permanence le marché des jeux de hasard en ligne et recherche de manière proactive les sites Web illégaux. Si nous tombons sur un site Web sans licence, nous envoyons à l’opérateur un ordre de cesser d’opérer en Belgique. Cela signifie souvent que l’opérateur doit fermer son site Web aux utilisateurs belges. Si le site Web dispose d’une licence en Europe, nous en informons également le régulateur de ce pays.
Si l’opérateur ne respecte pas nos instructions, nous entamons une procédure de sanction.
Une difficulté ici est que les opérateurs sont souvent établis en dehors de l’Europe. C’est pourquoi il n’est pas toujours facile de percevoir des amendes. C’est pourquoi nous tenons également une liste noire des sites Web qui proposent des jeux de hasard illégaux. Nous transmettons cette liste aux fournisseurs d’accès Internet, qui bloquent le site Web en Belgique.
Nous voyons encore de nombreux opérateurs avec des programmes de fidélité. N’existe-t-il pas une législation claire qui stipule que ces programmes ne s’appliquent qu’aux licences A ?
La loi sur les jeux de hasard interdit aux opérateurs d’offrir des cadeaux aux joueurs. Cela inclut également les bonus et autres avantages qui influencent le comportement des joueurs. La loi a instauré cette règle générale, mais ne précise pas exactement à quelles pratiques elle s’applique. Nous avons organisé une consultation du secteur et nous publierons une position dans les prochains jours. Il reste ensuite à évaluer comment cela peut être correctement appliqué par les opérateurs.