MGM Osaka : le Japon mise tout sur son premier casino
Jadis conçue pour les entrepôts, les terminaux à conteneurs et même la gestion des déchets, l’île artificielle de Yumeshima, dans la baie d’Osaka, devient le cœur d’un vaste projet mêlant tourisme, technologie et loisir, avec une pièce maîtresse : MGM Osaka, le premier resort intégré (IR) incluant un casino légal au Japon.
Une transformation à grande échelle : de l’Expo à l’IR
Yumeshima a accueilli l’Expo 2025 sur le thème “Designing Future Society for Our Lives”. Malgré des retards, des dépassements de coûts et une attente publique modérée, l’exposition a rassemblé plus de 25 millions de visiteurs, provenant de 158 pays. On y a vu des innovations saisissantes : des voitures volantes, un cœur artificiel issu de cellules souches, des robots guidant les malvoyants, etc.
Mais l’Expo n’est qu’un prélude. Les terrains de l’exposition ne resteront pas vides : ils feront partie d’un hub technologique et touristique entourant MGM Osaka, avec des infrastructures commerciales, des loisirs, des espaces verts, restaurants, commerces, etc.
MGM Osaka : ambition, portée et défis
Le projet MGM Osaka est une coentreprise entre MGM Resorts International et le groupe japonais Orix Corporation, avec un budget de départ estimé à environ JPY 28 milliards (≈ 3,9 milliards de dollars) pour l’IR principal.
L’ouverture est prévue pour 2030, et le site comprendra non seulement un casino (le premier légal au Japon) mais aussi des hôtels, des espaces de congrès, des commerces, des restaurants, des salles de spectacles et de divertissement. MGM Osaka vise quelque 20 millions de visiteurs chaque année.
Financièrement, le projet s’appuie sur un financement par emprunt (notamment de grandes banques japonaises comme Mitsubishi UFJ et Sumitomo Mitsui), et son coût total pourrait encore augmenter à cause de l’inflation et des coûts de construction.
Les projets annexes : au-delà du casino
Autour de l’IR, Osaka envisage un développement progressif en plusieurs étapes pour valoriser l’ancienne zone de l’Expo. Parmi les idées retenues ou en discussion : un parc aquatique, un hôtel de luxe, une arène multifonction, voire un circuit de Formule 1.
Un élément symbolique, la structure temporaire dite Grand Ring, conçue pour l’Expo, ne sera pas totalement démontée. Une partie de ses deux kilomètres sera conservée, rénovée et transformée en parc de 3,3 hectares.
Ces développements doivent créer une synergie avec MGM Osaka. L’idée est que l’ensemble du pôle devienne attrayant non seulement pour les amateurs de jeu, mais aussi pour les visiteurs intéressés par l’innovation, la culture, les divertissements et les affaires.
“Le site de l’expo est vaste et une synergie avec l’IR est attendue. Il est important de ne pas simplement terminer le projet par un développement à grande échelle, mais d’adopter des stratégies dans une perspective économique à moyen et long terme,” affirme Hideyuki Araki du Resona Research Institute.
Controverses et perception publique
Malgré l’enthousiasme des autorités locales, du monde des affaires et des investisseurs, le projet ne fait pas l’unanimité auprès du public.
Selon un sondage de novembre 2024, seulement environ 30,6 % des Japonais soutiennent l’idée du resort intégré avec casino, tandis que 36,7 % restent neutres. Près d’un tiers s’y oppose, invoquant surtout des craintes liées à la dépendance au jeu.
Le professeur de sociologie Hiroki Ogasawara est l’un des opposants les plus vocaux. Il critique le projet comme étant fondamentalement axé sur la cupidité, le désir et la poursuite de richesse économique pour un petit groupe.
En revanche, le gouverneur d’Osaka, Hirofumi Yoshimura, le défend avec force. Lors de la cérémonie de lancement des travaux, il a déclaré que le resort créera un espace extraordinairement frappant, générant une nouvelle demande dans le tourisme et les affaires et servant de catalyseur à la croissance économique d’Osaka.
Enjeux économiques et institutionnels
Le potentiel économique du projet est immense. On attend des milliers d’emplois, tant pendant la construction que lors de l’exploitation. Des études estiment qu’il pourrait transformer le visage économique de la région du Kansai, attirer davantage d’investissements étrangers et stimuler les activités des secteurs connexes : hôtellerie, services, commerces.
Mais plusieurs défis restent à relever. Premier point : l’infrastructure de transport. Bien que les accès soient en cours d’amélioration (prolongation de lignes ferroviaires, nouvelle station de métro prévue, etc.) la connectivité devra être robuste pour supporter le flot attendu de visiteurs.
Ensuite, il y a le risque réglementaire et social : réglementation du jeu, prévention de l’addiction et contrôle des effets secondaires comme le trafic, le tourisme de masse, et la pression sur le logement ou les services publics. Ces problèmes sont au cœur des débats.
Enfin, la gestion financière : coûts en hausse, inflation, imprévus techniques. Le respect des délais (ouverture en 2030) sera un test majeur de la capacité administrative et collaborative entre secteur public et privé.
Perspectives : Osaka peut-elle devenir un modèle global ?
Si tout se passe comme prévu, Yumeshima pourrait émerger comme un laboratoire mondial où tourisme, technologie et culture se mêlent. Le modèle du resort intégré prévoit non seulement un casino, mais toute une complémentarité : salons professionnels, innovation, arts, espaces verts, culture japonaise, gastronomie.
MGM Osaka est bien plus qu’un casino : c’est un pari sur l’avenir d’Osaka, de la région du Kansai, et peut-être du Japon tout entier. Transformant une île artificielle en un centre mondial de la tech, du tourisme, de la culture et du divertissement, le projet incarne une vision ambitieuse. Mais les défis sociaux, économiques et logistiques restent nombreux. Le succès se mesurera dans la capacité à harmoniser tous ces éléments, à respecter les délais, et à convaincre une population encore partagée.