Rapport annuel 2024 de l’ANJ : Actions et résultats
L’Autorité nationale des jeux (ANJ) a publié, le 24 juin 2025, son rapport d’activité 2024. Ce document marque les cinq ans d’existence de l’institution et constitue un tournant dans sa régulation. Un cap clair à mi-parcours de sa stratégie 2024-2026 : moins de joueurs à risque, plus de responsabilité pour les opérateurs.
La réduction du jeu excessif comme priorité centrale
Depuis sa création en 2020, l’ANJ a engagé une approche qui mêle accompagnement et contrôle. Mais en 2024, l’urgence s’est intensifiée : le nombre d’inscrits au fichier des interdits volontaires a doublé en trois ans, atteignant désormais 85 000 personnes. Ce chiffre témoigne à la fois d’une meilleure sensibilisation… mais aussi d’un problème structurel persistant.
Pour Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de l’ANJ, il est temps de passer d’un objectif d’intention à une obligation de résultats :
“Porté par un marché très dynamique que la digitalisation a favorisé, le jeu d’argent, qui n’est pas un produit comme les autres, est pourtant devenu un produit de consommation courante. L’objectif de réduction du jeu excessif fixé par l’ANJ doit maintenant se traduire par une obligation de résultats qui passe par la diminution du nombre de joueurs excessifs et de leur contribution aux revenus des opérateurs de jeux d’argent. Plus largement, la lutte contre l’addiction aux jeux d’argent nécessite de dépasser les considérations sectorielles et d’envisager la dimension plus globale et sociétale du phénomène qui concerne les opérateurs, les pouvoirs publics, le régulateur, les associations, les éducateurs, les parents, etc.”
Le plan stratégique 2024-2026 vise donc un changement de paradigme : faire évoluer le modèle économique du secteur pour le rendre moins dépendant des joueurs à risques.
Un encadrement juridique renforcé et validé
L’année 2024 a vu la consolidation juridique de l’action de l’ANJ. Deux décisions du Conseil d’État sont venues confirmer la légitimité de l’institution à encadrer l’offre de jeux et les stratégies promotionnelles des monopoles. Une victoire réglementaire qui lui confère un levier d’action supplémentaire pour influencer le comportement des opérateurs.
Une politique de sanctions plus ferme
L’ANJ ne se contente plus de recommandations : elle sanctionne. En 2024, neuf sanctions ont été prononcées, certaines allant jusqu’à 150 000 euros. Un cap a été franchi en janvier 2025, avec une amende publique de 800 000 euros liée à une affaire de jeu excessif. Un record, et un signal clair envoyé au marché.
L’offre illégale dans le viseur
Le régulateur s’est également attaqué avec plus de vigueur aux sites de jeux illégaux. L’année 2024 a été marquée par le blocage de 1 335 URL, l’émission de 231 actes administratifs, et l’activation de mesures de blocage financier. Des actions ciblées, car ces plateformes sont massivement fréquentées par des profils à risque. L’objectif est simple : assécher l’accès à une offre dangereuse et incontrôlée.
Un colloque au Sénat pour repenser l’action collective
L’ANJ ne souhaite pas agir seule. Le 27 juin 2025, elle organise au Sénat un colloque national consacré à l’addiction aux jeux d’argent. L’enjeu ? Dresser le bilan des obligations imposées depuis 2019 aux opérateurs en matière d’identification et d’accompagnement des joueurs excessifs.
Des acteurs venus d’horizons variés – politiques, associatifs, éducatifs, internationaux – y partageront leurs pratiques et visions. Le but est clair : réfléchir à une meilleure coordination entre tous les acteurs concernés et, si nécessaire, proposer une évolution du cadre réglementaire.
Une régulation en transformation
Si le premier cycle (2020-2023) a permis d’établir les bases d’une régulation moderne, le second (2024-2026) se veut plus ambitieux. Il s’agit désormais non seulement de réglementer, mais de transformer durablement l’écosystème du jeu d’argent.
Le défi est de taille : faire évoluer les logiques économiques d’un secteur où les revenus proviennent encore en grande partie des joueurs les plus actifs, souvent les plus vulnérables.